lundi 23 juin 2014

Pascal Bérubé est toujours du bon côté

«Le congé Pascal», Chronique 2


L'un des deux ne souhaitait pas être photographié. Devinez lequel.
Source: Pascal Bérubé, Twitter, 25 mai 2014.

Le problème pour la suite des choses
 est que le PQ n'est plus un vrai parti de débats. 
Privé de sa raison d'être et reposant sur une base militante devenue 
aussi aseptisée que ses dirigeants, est-il encore réformable de l'intérieur?

JOSÉE LEGAULT, 3 MAI 2014(1) 

 
J'ai une formation en histoire. Je poursuis actuellement des études en sociologie. J'ai fait très tôt le pari qu'il soit possible de parler d'identité (culture, langue, immigration ou laïcité) à l'extérieur des grands centres. Région ressource, s'il y en a, le Bas-Saint-Laurent n'est pas réduit à la forêt et à l'agriculture. La «question du Québec» concerne également ses citoyens.

Je m'intéresse donc au politique. Or, ce qui sourd par chez nous me désole. Comment ne pas constater la crise de la démocratie représentative avec ce Pascal Bérubé qui gouverne les yeux rivés sur son téléphone «intelligent» et les sondages. Celui qui ne veut vivre que dans l'instant présent n'agit pas: il s'agite.

Égoportrait de Pascal Bérubé avec ses petits camarades.
Métaphore du véhicule politique qui s'égare sur les routes du Québec.
Source: Pascal Bérubé, Twitter, 20 janvier 2016.


Un Parti libéral peinturé bleu

J'insiste d'abord sur un lieu commun: la frontière entre le politique et les médias est poreuse. Certaines déclarations attestent de l'emprise des communicants. «Les connaissances acquises lors de ces expériences [à la radio Rouge FM] l'aideront à répondre aux besoins de ses nouvelles fonctions [d'attachée politique] (L'Avant-Poste, 19 septembre 2012, page 6)». «La confiance règne: le politique [Pascal Bérubé] et le journaliste échangeront sur d'autres sujets, certains confidentiels, très confidentiels, mais ceux-ci le resteront (L'Avantage, 30 décembre 2012)». Toujours à propos de Bérubé: «Je l'aime mon ''Kid Kodak'' (Roger Boudreau, L'Avantage, 14 août 2013)». Reste à déterminer s'il aime Bérubé passionnément ou à la folie...

Les carriéristes qui nous promettent de redresser le mouvement souverainiste doivent bien souvent leur avancement à un parti qui mit en veilleuse sa raison d'être depuis 1995. «Si j'ai été ministre, c'est grâce à Pauline Marois», rappelle Pascal Bérubé. Privé de son ciment, le PQ continue à se vider aux deux extrémités: QS et CAQ. Je ne sais trop par quel droit divin le «bon gouvernement» bleu devrait succéder un jour au «bon gouvernement» rouge. Exit l'indépendance: «L'enjeu, c'est de jouer notre rôle d'opposition et de présenter une alternative valable au gouvernement libéral dans quatre ans (Pascal Bérubé, Radio-Canada, 13 mai 2014)». Mais, brandir René Lévesque à l'occasion ne suffit plus. Ah! le bon vieux temps où l'on pouvait passer toute sa carrière sur les banquettes parlementaires... François Gendron, priez pour notre député! Qu'on se le dise, produit d'un establishment calculateur, Pascal Bérubé fait partie davantage du problème que de la solution.

Siégeant désormais dans l'Opposition, Bérubé a multiplié les volte-face au pouvoir. «Le plan de développement qui a été adopté par le gouvernement précédent, on se l'approprie (L'Information, 8 novembre 2012).» Il se déclara tour à tour pour et contre l'exploration et l'exploitation des gaz et pétrole de schiste. Il s'opposa à la réforme de l'assurance-emploi à Ottawa et appuya celle de l'aide sociale à Québec. Il se fit le défenseur de la social-démocratie et disciple des «Lucien-lucides». Il se positionne comme nationaliste pour un Québec bilingue. Ce progressiste affame les commissions scolaires. Bref, il clignote à gauche et vire à droite! Comme L'opportuniste de Jacques Dutronc (1968), monsieur le député ne sait faire qu'un seul geste. Il retourne sa veste toujours du bon côté:

Je l'ai tellement retournée
Qu'elle craque de tous côtés
À la prochaine révolution
Je retourne mon pantalon.

Petit milieu et propagande

Rien ne semble arrêter ce politicien à la plasticité d'une Mélanie Joly (2). Il ratisse large, trop large pour avoir des principes. Son monde n'a plus de conflit, plus de problèmes d'aucune sorte. La belle affaire! La diversité des opinions s'est évanouie. Pascal Bérubé et ses béni-oui-oui sont seuls à l'écran. On ambitionne maintenant d'«exporter» la recette de son succès à l'extérieur de Matane-Matapédia. On se croirait dans le film Body Snatchers quand une entité extraterrestre s'empare subrepticement de tous les êtres humains dans leur sommeil:

Carol disait à Steve, mais d'une voix très distordue: «Où veux-tu aller? Où veux-tu fuir? Où veux-tu te cacher? Nulle part. Il ne reste PLUS PERSONNE comme toi» (Wikipédia).
 Source: YouTube

Sur quoi repose en fait la réussite de la bête politique? Je dirais d'abord sur une population homogène, aussi tricotée serrée que consensuelle. Or, à l'heure des migrations de remplacement, le visage du Québec change. Puis, j'insisterais sur l'enflure médiatique, son goût pour la réclame. Les journalistes locaux font déjà savoir qu'ils ont atteint un point de saturation (Johanne Fournier, «Pascal Bérubé: ce politicien qui aime les médias», Le Soleil, 31 décembre 2013). Force est d'admettre qu'ils ne pourraient pas humainement relayer la «diarrhée communicationnelle» générée par d'hypothétiques clones de Pascal Bérubé.

Publicité automobile: Pascal Bérubé réprimandé par son chef, ICI Radio-Canada.ca, 16 octobre 2016.

Parlons du verbe. Comme en 2011 dans Bonaventure et par chez nous en 2012, il rebaptise les élections du 7 avril 2014: «Opération convaincre(3)». À l'entendre, il dispose toujours de la meilleure équipe, du meilleur comté, du meilleur parti... Surtout, sachez que son chauffeur était le «plusse meilleur»! Au dépôt du rapport Ménard ce mois-ci, il «prend acte», «invite», «attire l'attention», «conclut». S'il ne se gêne pas pour réprimer les esprits critiques dans son comté(4), il se permet d'écrire: «Le droit de manifester pacifiquement est un droit reconnu dans notre société (15 mai 2014)».

Pascal Bérubé entouré d'adolescentes avec ce qui semble son nouveau slogan de campagne: «On garde le silence»!
Photo: Johanne Fournier, Le Soleil, 31 décembre 2013.


Parlons un instant de ses réalisations. Il promet d'ouvrir un bureau de comté à Mont-Joli (1). Une fois élu, il peut avoir son bureau à Mont-Joli (2). Il prépare son bureau à Mont-Joli (3). Il ouvre enfin son bureau à Mont-Joli (4). Bérubé envoie quatre communiqués pour offrir finalement le même service que sous la députée précédente! Il annonce environ huit fois l'octroi de huit places en garderie à Saint-Donat. Il publicise quatre ou cinq fois dans les médias rimouskois sa visite à... Saint-Noël. Multipliez cela par les 45 municipalités de la circonscription et vous obtiendrez un matraquage: pas moins de 250 communiqués assortis d'autant de photos grand format de lui-même. Un chausson avec ça!

L'individualisme et la technologie sont de puissants moteurs conduisant vers «l'État universel homogène».
Le complexe de Narcisse
«Un horaire de ministre c'est aussi parfois
de faire son noeud de cravate sur le bord du
boul. St-Martin à Laval.»
Source: Pascal Bérubé, Twitter,
15 avril 2013.
Lorsque la communauté se dissout, la politique devient un spectacle, un simple concours de popularité. Ainsi, Pascal Bérubé (provincial) et Jean-François Fortin (fédéral) ont obtenu leur résultat sans égard à la situation de leur parti, à la souveraineté ou aux réalités socio-économiques. Je constate que Bérubé n'a pas su amener de jeunes au Parti québécois ni insuffler d'idées au projet souverainiste depuis 20 ans. Faire bombance et serrer des mains, voilà plutôt l'aspect touristique de son quotidien. Un brin coquet, l'homme aux 19 000 gazouillis, jusqu'à 20-25 par jour, posta sur Twitter une photo de lui en train de nouer sa cravate en regardant son reflet dans la vitre teintée de sa limousine. Le «beau gosse» cyberdépendant vit dans l'avoir. Je préfère l'être.
«En direct de [x] dans Limoilou avec les
membres de mon cabinet!»
Source: Pascal Bérubé, Twitter, 19 juin 2013.


Navigation sur le Lac Mégantic
Source: Pascal Bérubé, Twitter,
8 août 2013




Chaque miroir a son revers. À vaincre sans péril, Pascal Bérubé triomphe sans gloire. Le bloquiste Jean-Yves Roy aussi, absent devant l'Éternel entre 2000 et 2010, ne perdait aucune de ses élections! Si Bérubé a effectivement recueilli une pluralité des suffrages valides, les électeurs de ce vieux bastion péquiste sont de plus en plus nombreux à se faire tirer l'oreille. La participation à l'«Opération convaincre(5)» - calquée sur le principe de la «vente pyramidale» où chaque personne ayant décidé de voter pour Bérubé doit attirer deux ou trois autres électeurs, seuls les premiers arrivés se créant un emploi - fléchit de 71% en septembre 2012 à 63% en avril 2014. La sociologue Claire Durand de l'Université de Montréal observe pourtant au même scrutin que «les non-francophones se sont mobilisés plus fortement dans cette élection que dans toutes les élections qui ont eu lieu depuis le référendum de 1995(6)». Le «p'tit gars» de Matane affrontait ici des candidats parachutés. Malgré cela, la moitié des Mont-Joliens et 55% des Donatiens ont préféré de parfaits inconnus au ministre du Tourisme sortant... À la fin, seul un électeur sur trois dans La Mitis a voté pour le «parti unique». Que serait l'enseignant qui n'a jamais enseigné (Pascal) en présence d'une entrepreneure comme Denise Verreault? Conclusion: les «lauriers» de Pascal Bérubé viennent d'une histoire qui le dépasse. Si vous ne me croyez pas, alors parachutez-le aux prochaines élections à Montréal, à Québec ou à Gatineau!

Des luttes à mener

Si les grands projets collectifs semblent appartenir au passé, je demeure convaincue que subsiste une demande, un appétit, pour les débats d'idées. Des passions continuent d'irriguer la sphère publique. Préserver nos institutions, notre langue et nos lois est une «vraie affaire» qui m'anime. Je me désole quand je songe un tant soit peu à la gestion superficielle, la «politique politicienne», qu'en fait mon député-touriste.

Prenons cet été, par exemple. Seulement sur le territoire de La Mitis, deux écoles primaires de la Commission scolaire des Phares frôlent la fermeture définitive: Padoue et Sainte-Jeanne-d'Arc. La journaliste Sonia Lévesque rapportait que l'école secondaire du Mistral à Mont-Joli a perdu 1200 de ses 2000 élèves en une trentaine d'années (L'Information, 28 août 2013, page 3). Pendant ce temps, Metis Beach School, construite au départ pour une vingtaine d'élèves, en accueille 78 et s'agrandit. «Notre étendue est beaucoup plus grande, et puis l'attitude aussi a changé par rapport à l'anglais», affirme le directeur adjoint et enseignant Mark Lyth (Radio-Canada, 24 septembre 2013). Restons vigilants. J'estime que pareilles tendances devraient susciter des interrogations au sein de la population. Pourquoi la minorité anglo-québécoise tire-t-elle encore et toujours vers elle la majorité? Quel avenir peut avoir l'école française en Amérique si l'hypothèque coloniale perdure? Or, notre député, soi-disant nationaliste, évite de se mouiller en félicitant sur les médias sociaux le «dynamisme» des anglophones (Twitter, 24 septembre 2013).

Politicien de la vieille école, Pascal Bérubé poussa le 25 septembre dernier la «machine à hommages» jusqu'à saluer «l'expertise, la passion et la grande connaissance» de l'ancien président-directeur général de Tourisme Montréal, Charles Lapointe. Au coeur du scandale, dans un exercice rappelant 1984 de George Orwell, il tente maladroitement de réécrire l'histoire. Toute trace de «l'honorable» monsieur Lapointe disparaît mystérieusement de son compte Twitter. Qu'à cela ne tienne, l'éloge figure pour toujours au Journal des débats de l'Assemblée nationale. Le journaliste Antoine Robitaille a rapporté cet incident auquel il prit part (Le Devoir, 28 novembre 2013, 7).


La falsification de l'Histoire
Exemple de retouche photographique sous le régime stalinien
Source: Wikipédia

Monsieur Bérubé aimerait tant que la critique de Robitaille vienne des libéraux. Le problème est plus sérieux. Compatriote, je refuse d'être associée à ce Séraphin du Pouvoir. Diriger notre petite nation française au nord de l'Amérique exige une certaine probité.

Ayant perdu sa limousine avec chauffeur aux dernières élections,
la Bérubémobile sera sans aucun doute de retour en 2018.
(Pascal Bérubé, Twitter, 8 août 2012)

Cette chronique parue pour l'essentiel sur le site Internet de l'hebdomadaire L'Avantage de Rimouski le 21 mai 2014.     

Références

(1) Josée Legault, «La traversée du désert», Blogue de Josée Legault/Journal de Montréal, 3 mai 2014 [En ligne] www.journaldemontreal.com/2014/05/03/la-traversee-du-desert (Page consultée le 23 juillet 2015).
(2) Carl Bergeron, «Le communicant, nouvel ennemi public», Argument, 2013 [En ligne] www.revueargument.ca/article/2013-06-25/580-le-communicant-nouvel-ennemi-public.html (Page consultée le 23 juillet 2015). Sophie Durocher, «Le narcissisme de Mélanie Joly», Le Journal de Montréal, 12 juillet 2017 [En ligne] http://www.journaldemontreal.com/2017/07/12/le-narcissisme-de-melanie-joly (Page consultée le 14 juillet 2017).
(3) Roger Boudreau, «Le camp du Oui lance l' ''Opération convaincre''», L'Avantage,  29 août 2012, page 8 et «Pascal Bérubé lance l'Opération convaincre», L'Avantage, 3 avril 2014 [En ligne] www.lavantage.qc.ca/Actualites/2014-04-03/article-3675353/Pascal-Berube-lance-%26laquo%3B-l%26rsquo%3Boperation-convaincre-%26raquo3B/1 (Page consultée le 29 juillet 2015).
(4) Louis-Antoine Lemire, «Paul-André Beaulieu. Congédié à tort, tranche l'arbitre», Le Journal de Québec, 3 septembre 2012. Récupéré de https://www.journaldequebec.com/2012/09/03/congedie-a-tort-tranche-larbitre (Page consultée le 17 octobre 2021). Louis Deschênes, «Pascal Bérubé aurait fait des pressions pour museler un animateur», CIEL FM 103, 23 janvier 2015.
(5) Roger Boudreau, «Le camp du Oui...»..., op. cit.
(6) «L'augmentation de [leur] participation [...] apparaît [...] surtout due à l'impact du projet de Charte de la laïcité». Claire Durand, «Le vote, la Charte, nous et les autres», La Presse, 19 avril 2014 [En ligne] http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201404/18/01-4758975-le-vote-la-charte-nous-et-les-autres.php (Page consultée le 29 juillet 2015).
(7) Antoine Robitaille, «Quand Pascal Bérubé faisait l'éloge de Charles Lapointe», Le Devoir, 28 novembre 2013 [En ligne]http://www.ledevoir.com/opinion/blogues/mots-et-maux-de-la-politique/393858/quand-pascal-berube-faisait-l-eloge-de-charles-lapointe (Page consultée le 23 juillet 2015).

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