dimanche 18 novembre 2012

Le discours à recentrer du député «souverainiste» Jean-François Fortin


J'ai du respect pour la fonction de député. Monsieur Jean-François Fortin a certaines qualités. Il est jeune, accessible, régionaliste et bon animateur. Il a surtout le désir de plaire et de bien se conformer. Il succéda à un Jean-Yves Roy inscrit aux «abonnés absents». Il enfila même les habits de député deux ans avant de l'être...(1) Il arriva finalement à Ottawa au moment où les Québécois congédièrent le Bloc. C'est à grands frais(2) qu'il parvint à retenir des électeurs sensibles aux sirènes de Jack Layton.  Force est de constater qu'il a beaucoup d'amis Facebook. C'est la politique dans ce qu'elle a de ludique.

En revanche, succombant à une mode, il organisa de coûteux et polluants voyages à l'étranger pour lui-même et cinq ou six élèves du Cégep. Résultat des courses? Un journaliste émérite à la radio locale ouvre les lignes téléphoniques pour tâter l'opinion sur la réforme de l'assurance-emploi et personne ne répond. Quelques jeunes d'ici avec leur enseignant trottent ostensiblement en Palestine! L'heure venue d'assurer la pérennité de notre culture, la relève fait mine de se défoncer pour Haïti! Enfin, quand il faut surmonter les innombrables défis du vieillissement de la population, le Carrefour jeunesse-emploi de Matane prend les fonds d'Emploi-Québec pour aller au Honduras! Les Gaspésiens ont autant besoin de maîtriser l'espagnol que la Floride d'avoir des ours polaires. La bien-pensance permet à l'instigatrice du projet, Claudie Fillion, comme à Jeff Fortin de garder le petit doigt en l'air dans les cocktails. Charité bien ordonnée commence par soi-même...

Par-delà le triste spectacle de la rectitude mondialiste, des évolutions sont à craindre: natalité en berne, migration de remplacement, etc. Le système politique canadian travaille à marginaliser le Québec. À 23% (78 circonscriptions sur 338), jamais le Québec n'a été aussi diminué qu'aujourd'hui. Des gouvernements majoritaires peuvent désormais se former aux Communes sans l'appui des Québécois(3) et nommer des unilingues anglais aux plus hautes sphères(4). Or, sur la refonte de la carte électorale, par exemple, monsieur Fortin n'a pas trouvé mieux que de s'aligner sur les doléances des députés npdistes voisins Toone et Caron en se privant de tout ressort national. Le bloquiste se félicite que les commissaires l'estiment inoffensif... Diantre! Jean-François Fortin est peut-être souverainiste, mais ne sait plus pourquoi.

Le réveil risque d'être brutal aux élections de 2015 s'il continue à prendre la dénonciation du gouvernement Harper pour son unique critique du fédéralisme. Tel l'orignal immobile au milieu de la chaussée, notre député est ébloui par la lumière des phares du véhicule qui s'apprête à le heurter. S'il projeta de laisser pousser sa moustache durant le Movember, je le convie à un tout autre chantier: recentrer son discours. Il est encore temps de résister au déclin tranquille, de rejeter ce bling-bling puéril. À moins que notre Tartuffe ne se soit déjà assuré, sans que nous le sachions, un parachute doré...(5)

 L'orignal ébloui par des phares reste paralysé sur la route. C'est pareil chez certains députés!
Source: Photothèque Le Soleil
Carl Thériault, «Bas-Saint-Laurent: attention aux originaux (sic)!», Le Soleil, 28 octobre 2012(6).


Article paru dans l'hebdomadaire mitissien L'Information le 14 novembre 2012.

Notes
(1) Daniel Ménard, «Politique. Nancy Charest demande à Jean-François Fortin de clarifier son statut», La Télévision de La Mitis, 8 novembre 2010 [En ligne] http://tvmitis.ca/politique/2074-nancy-charest-demande-a-jean-francois-fortin-de-clarifier-son-statut (Page consultée le 17 décembre 2012).
(2) Ne soyons pas naïf. Il n'y a pas de miracle. Ce fut une affaire de gros sous. Le plafond des dépenses électorales pour la circonscription de Haute-Gaspésie-La Mitis-Matane-Matapédia était fixé à 86 709.81$. Jean-François Fortin dépensa 82 536,78$, soit 95,19% du montant auquel il avait droit. La libérale Nancy Charest atteint seulement 72,55% (62 905,32$), le conservateur Allen Cormier 61,58% (53 400,21$), Louis Drainville du Parti vert 4,13% (3581,52$), puis la néo-démocrate Joanie Boulet 0,03% (24,16$). Source: Élections Canada, Rapport de campagne électorale du candidat, 41e élection générale (2 mai 2011), [En ligne] http://www.elections.ca/WPAPPS/WPF/FR/CC/DistrictReport?act=C2&eventid=34&returntype=1&option=3&queryid=e75f7a8c5f9c412283f81a387c7d2836 (Page consultée le 5 janvier 2016).
(3) François Rocher, «Vers la marginalisation du Québec sur la scène fédérale?», dans Miriam Fahmy (dir.), L'état du Québec 2012, Montréal, Boréal, 2012, p. 458-466.
(4) Linda Cardinal, «Que restera-t-il du projet linguistique canadien en 2015?», dans Miriam Fahmy (dir.), L'état du Québec 2012, Montréal, Boréal, 2012, p. 460-462.
(5) «Jean-François Fortin avait un objectif caché», Communiqué du Bloc québécois [En ligne] http://www.blocquebecois.org/2014/08/jean-francois-fortin-avait-un-objectif-cache/, 13 août 2014 (Page consultée le 25 novembre 2017).
(6) Le journaliste a bel et bien écrit «originaux» plutôt qu'«orignaux». Trop drôle!
(21 octobre 2015)

Épilogue



jeudi 8 novembre 2012

Multiculturalisme : la boucane à Boucar Diouf

Boucar Diouf, héros de l'interculturalisme, le regard fixé sur la promesse des lendemains qui chantent.
Photo: Hugo-Sébastien Aubert, La Presse.
Les sociétés primitives vivent dans l'enchantement. La plus grande partie de l'aventure humaine se déroule sous la domination de l'au-delà sur l'ici-bas. Après une évolution aussi longue que complexe surviennent, en Occident d'abord, les révolutions modernes et le «désenchantement du monde (Max Weber)». Les idéologies agissent désormais comme formes de représentation du monde. Elles aspirent à cacher le réel divisé, à fondre tous les discours en un.

Les idéologies doivent être largement diffusées. Leurs adeptes n'hésitent pas à recourir aux médias de masse et à la figure mythique du héros. Il est fascinant d'observer le processus par lequel une vedette est fabriquée. Que ce soit le self-made-man et le cow-boy sur la frontière américaine, le maoïste Lei Feng, le nazi Horst Wessel ou le personnage de Maria Chapdelaine, le héros vertueux parvient à s'extraire de ses origines modestes pour se hisser au panthéon de la nation. Il n'est pas rare que le héros meurt jeune. Il ne risque donc plus de contrevenir à l'idéal qu'on s'en fait.

Le multiculturalisme/interculturalisme est l'idéologie dominante à notre époque. Les divisions habituelles gauche-droite ou fédéraliste-souverainiste se brouillent à son contact. C'est l'union d'une droite libertarienne et d'une certaine gauche préférant les droits des minorités à la défense des travailleurs. Son propagandiste régional, l'homme par qui il se «vend» à Rimouski, est nul autre que Boucar Diouf. Ce «héros» festif quitta son papa polygame afin d'étudier en océanographie, puis d'enseigner à l'UQAR. Le virage pluraliste de notre société fut cependant son véritable tremplin vers l'humour et l'animation. Un succès d'intégration que nous célébrons tambours et trompettes par esprit d'ouverture. L'ex-berger exerce sur son auditoire le magnétisme du pasteur. Dois-je préciser combien notre homme charismatique aime se trouver sous les projecteurs?

Le vernis de notre héros postmoderne craque quand, par les mêmes choix individuels qui le firent quitter l'Afrique, il lâche l'utopie que nous lui réservions. En déménageant comme tant d'autres à Montréal (87% des nouveaux arrivants), il symbolise mieux que quiconque l'échec de la régionalisation de l'immigration. Le discours des bien-pensants en prend alors pour son grade. L'envie est forte de s'écrier: «show de boucane, Diouf!»

Mon athéisme boucarien tient aussi à quelque chose de plus existentiel. Si l'artiste use de lieux communs, multiplie les bons sentiments et sait reconnaître une majorité francophone avec son histoire et sa mémoire propres pour flatter son public, il s'est associé à un modèle d'intégration chartiste. L''interculturalisme de Bouchard-Taylor refuse d'accorder à la société d'accueil ce qu'elle a toujours été: une culture de convergence. Pourquoi aurions-nous besoin aujourd'hui d'une copie à peu près conforme du multiculturalisme canadien? Comme si le vieux Canada français à Rimouski n'avait pas un jour intégré les Collins, McKinnon, Ross, Wells et Yockell. Halte à la judiciarisation des rapports sociaux!

Article paru sur le site Internet du quotidien Le Soleil de Québec, sous la rubrique «Points de vue», le 7 novembre 2012.

Lecture suggérée

Le Soleil publia le 6 novembre 2008 un texte de Boucar Diouf («Obama est-il vraiment un Noir?») où il s'échine à mesurer la proportion de «sang noir» et de «sang blanc» chez le nouveau président des États-Unis.

Noir-Blanc ou Blanc-Noir, peu importe, la plume de Diouf trempe alors dans l'encre du racisme. Il écrit notamment: «Mon propre fils est métis et je ne veux pas qu'on lui mette dans la tête qu'il est juste un Noir.»

L'évolution démographique dans l'est du Québec : mythes et réalités

Certains discours sur la démographie régionale
rappellent la pseudo-science de Trofim Lyssenko.
Photo: Wikipédia

L'évolution démographique dans l'est du Québec justifierait la disparition d'une autre circonscription électorale fédérale(1). Comment se caractérise-t-elle vraiment? En remontant à 1,8 enfant par femme en âge de procréer, l'indice synthétique de fécondité du Bas-Saint-Laurent et de la GaspésieÎles-de-la-Madeleine reste en deçà du seuil de renouvellement des générations (2,1). Il se situe toutefois à un niveau sensiblement plus élevé que sur l'île de Montréal (1,5). Quant au solde migratoire interrégional, il est devenu stable dans l'est, positif même dans la péninsule gaspésienne, alors qu'il se trouve négatif dans la métropole.

Le recul de l'est du Québec vient surtout du fait que la province accueille environ 53 000 immigrants par année, soit le double d'il y a 30 ans. Étant donné que 87% d'entre eux s'installent dans la grande région de Montréal, ils contribuent largement à modifier la répartition de la population au détriment du Québec périphérique. Rompre avec ce tabou permettrait de questionner les effets de l'immigration. Que de poudre aux yeux, par exemple, lorsque la tête d'affiche de la diversité en région, Boucar Diouf, finit par s'établir comme tant d'autres à Montréal. L'envie est forte de s'écrier: «show de boucane, Diouf!»

L'examen des derniers recensements de Statistique Canada révèle aussi que le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie vieillissent deux fois plus vite que la moyenne québécoise. Quatre décennies de sous-fécondité se paient cher. L'âge médian des femmes se situe maintenant à 48-49 ans. Il se fixe même à 56,7 ans à Trois-Pistoles. Ainsi, les Pistoloises se souviennent de l'exposition universelle de 1967 alors que la majorité des Africaines sont nées après la chute de l'Union soviétique en décembre 1991. 

Un grand nombre de femmes ayant atteint la ménopause, les effectifs de nos populations ne peuvent que décroître. Notre histoire n'a rien connu de tel depuis la «réduction» des Amérindiens. Considérant l'explosion démographique des pays du Sud, notamment en Haïti et en Afrique francophone, un changement de peuple ne manquera pas d'advenir.

Le retour de Lyssenko

Les observateurs du secteur immobilier souhaitent montrer une image dynamique (Le Courrier du Fleuve, 25 juillet 2012). Or, Rimouski, Rivière-du-Loup et leurs dépendances (Saint-Anaclet ou Saint-Antonin) ne constituent que deux îlots vieillissants de croissance modeste, inférieure à la moyenne québécoise, au sein d'un milieu dévitalisé. La quantité et la qualité des services de proximité en zone rurale périclitent. 

J'accueille avec le même scepticisme les propos de Dominique Morin. Figurez-vous que ce jeune sociologue annonce sur toutes les tribunes (Acfas(2), musée régional, journaux) que nous vivons une «nouvelle dynamique de croissance»!  En réalité, selon l'Institut de la statistique du Québec, la GaspésieÎles-de-la-Madeleine compta 789 naissances et 1032 décès en 2011. On y meurt désormais plus souvent que l'on y naît. Cela dit, pouvait-on attendre mieux d'un intellectuel de l'extérieur parachuté à l'Université du Québec à Rimouski?

Dominique Morin
Photo: Centre de recherche en développement territorial.

J'aimerais croire les bonnes nouvelles, mais le raisonnement derrière, pour le moins hâtif, jure trop avec les faits, la tendance lourde. Il me semble voué davantage à garnir le curriculum vitae de ses auteurs qu'à nous informer. 

À moins de céder au jovialisme du débutant ou d'obéir à une conception postmoderne de nos communautés, nous ne pouvons qu'éprouver de la tristesse au contact d'une population incapable d'assurer sa reproduction. D'où vient ce «refus de la vie» (Pierre Chaunu)? Il ne s'agit certes pas de revenir au temps de nos grands-mères. Je constate simplement que nous avons perdu depuis quelques décennies, pour reprendre la formule d'Ernest Renan, «la volonté de continuer à faire valoir l'héritage qu'on a reçu indivis]. Finalement, je rappelle à ceux qui mettent des lunettes roses afin d'épater la galerie que les économies occidentales, à commencer par la nôtre, traversent une crise des retraites sans précédent.

Texte remanié d'une version parue dans Graffici.ca le 27 septembre 2012.

Références

(1) Bruno Lelièvre, «La perte d'une autre circonscription électorale guette l'Est du Québec», ICI Radio-Canada, 5 avril 2012, [En ligne] https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/556609/crainte-perte-circonscription-federale-est-du-quebec (Page consultée le 23 juillet 2021).

(2) Dominique Morin et Véronique Dumouchel, «Un retour inattendu de la croissance démographique au Bas-Saint-Laurent: que se passe-t-il donc dans ses MRC?», 80e Congrès de l'Acfas, Montréal,10 mai 2012.

jeudi 13 septembre 2012

Monographie de Saint-Donat-de-Rimouski

«La terre danse ici, monsieur, c'est un quadrille de la nature.» C'est en ces termes que s'écria le conducteur d'Arthur Buies sur le chemin Neigette en provenance de Saint-Anaclet et en direction de Saint-Donat en 1890. 121 ans plus tard, je souhaite partager avec toutes les familles donatiennes présentes et futures, de même qu'avec les visiteurs, un pan de notre jeune histoire. Je convie mes concitoyens et mes concitoyennes à apprécier le chemin parcouru et à raffermir leur sentiment d'appartenance local, rural, régional et national en cette ère d'individualisme et de mondialisation néolibérale.

Je vous offre gracieusement sur le site Internet de la municipalité au http://www.saintdonat.ca/decouvrir-saint-donat/histoire-patrimoine/monographie-de-saint-donat-de-rimouski une étude détaillée, faite avec professionnalisme et convenablement illustrée, couvrant les débuts de notre coin de pays, de la préhistoire amérindienne à 1890. Les connaissances véhiculées par l'ouvrage prennent solidement appui sur les écrits antérieurs disponibles, mais reposent principalement sur l'examen minutieux d'une foule de documents jusqu'ici méconnus ou peu utilisés. De précieuses informations recueillies çà et là que j'ai accumulées dans mes cartons depuis une décennie. En ce sens, on peut parler d'un renouvellement significatif des connaissances relatives au passé donatien. J'ai voulu ce document à la fois scientifique et populaire, instructif et agréable. À vous de juger.

Cette monographie, qui découle de mon mémoire de maîtrise, devrait éventuellement se prolonger jusqu'à notre époque. Le récit n'étant pas parfait et sans bornes, il s'y glisse certainement des erreurs et des omissions. Veuillez m'en aviser, il me fera plaisir d'y apporter les corrections et les additions nécessaires. Je reste, en définitive, seule responsable du contenu et de l'orientation du texte.

Tous ceux qui, de près ou de loin, m'ont rendu service pendant l'élaboration de ce travail de synthèse trouvent ici l'expression de ma reconnaissance. Je tiens à remercier de façon toute spéciale MM. Patrick Legoupil  et Gil Bérubé pour l'aide apportée en fin de projet. Ils ont fait en sorte que le résultat d'un travail exigeant, accompli discrètement et sans financement, soit accessible en un clic de partout sur la planète!

Bonne lecture


lundi 20 août 2012

Atlas référendaire du Bas-Saint-Laurent, 1980 et 1995

Les péquistes ont rêvé du «Grand Soir référendaire». J'ai tenu à analyser pour le Bas-Saint-Laurent cette page de notre histoire politique. J'ai cartographié ce temps fort de la mobilisation citoyenne sur le site Web de la SNEQ(1). Mon travail s'appuie sur les Rapports des résultats officiels du DGEQ(2). D'un référendum à l'autre sur la souveraineté, on y découvre comment se répartit l'électorat bas-laurentien. Au fond, je souhaite que cet outil prolonge l'Atlas du Bas-Saint-Laurent.

Bonne exploration!

Notes

(1) Société nationale de l'Est du Québec.

(2) Directeur général des élections du Québec.


mercredi 15 août 2012

Kédina Fleury-Samson? Qui m'aime me suive!

En 2011, dans le magazine L'actualité, Kédina Fleury-Samson s'exclama urbi et orbi,
c'est-à-dire à la ville et au monde: «Je suis une attraction touristique! (1
Photo: TC Media - Archives (L'Avantage, 5 mars 2015).

L'ambition individuelle est une passion enfantine.
 
CHARLES DE GAULLE

La journaliste Sonia Lévesque nous apprend la démission de la conseillère mont-jolienne Kédina Fleury-Samson dans L'Information du 27 juin 2012. Bien que je ne connaisse pas le personnage Fleury-Samson, je ressentis à la lecture de l'article un malaise. Je vous invite à le lire. D'autres textes, parus sous la plume de Roger Boudreau (L'Avantage, 19 juin) et Daniel Ménard (maregion.ca, 20 juin), confirmèrent mes appréhensions.

Madame Fleury-Samson n'a pas jugé bon d'aviser ses commettants avant son départ. Selon Roger Boudreau, sa démission fit l'effet d'une «bombe» en pleine séance du conseil, le 18 juin. Nous ne voyons nulle part les égards dus à une population qui lui a fait confiance depuis 2005(2). Le seul moment où elle fait référence à la mobilisation de ses concitoyens - fluoration de l'eau et Château Landry - c'est en des termes négatifs: «Comme si la ville ne reposait que sur ces deux dossiers». En matière d'égocentrisme, versons ces deux pièces d'anthologie au dossier: «Je suis toujours animée par la volonté de construire la société dans laquelle je vis, et je souhaite le faire dans un environnement qui favorisera mon dynamisme, mon originalité et ma détermination [...] Je ne me réalise pas actuellement dans l'environnement dans lequel je suis, et attendre pour éviter une élection et des coûts à la Ville de Mont-Joli, je ne trouve pas ça juste». Me, myself and I, que dire de plus! Je puis ajouter qu'elle se sent engagée. Elle a raison, mais pas là où elle pense. En effet, lorsqu'elle parle de sa personne, le vocabulaire est riche et abondant (49 mots dont 20 «je»). Son ancienne fonction mérite environ 28 mots et la communauté de laquelle elle reçut un mandat, trois. J'ai bien dit 3 ... Oups!

Ces quelques remarques ne seraient pas bien vilaines s'il n'y avait pas d'autres choses. Or, on apprend que Kédina Fleury-Samson songe à faire don de son auguste personne à la province. Comme madame est indépendante de nature, c'est aux partis politiques de la suivre et non l'inverse: «J'aimerais bien que les partis marginaux comme Québec Solidaire ou Option Nationale [elle mentionne ailleurs le Parti vert] appuient ma candidature, si tel était le cas». En outre, elle s'engage «à solliciter et trouver une candidature, féminine, intègre» à son image pour la remplacer à la table du conseil. Je croyais naïvement que c'était au peuple de désigner les élus. En de telles circonstances, on imagine aisément que son successeur lui en devra toute une... Les contractants véreux avec leurs enveloppes brunes peuvent en prendre de la graine!

Quand bien même nous informerait-elle de l'avancement de ses études de maîtrise, la philosophie de madame Fleury-Samson semble tenir à cette phrase toute simple: «Qui m'aime me suive!» En se retirant temporairement de la vie publique, cette jeune politicienne ambitieuse aurait intérêt à méditer, à troquer son JE démesuré, dangereusement expansif, pour un NOUS. Qu'elle soit une intrépide Québécoise, Mont-Jolienne ou Haïtienne si cela fait son bonheur et le nôtre, mais son nombril, ses épanchements, ne nous regardent pas.

Article paru dans l'hebdomadaire L'Information de Mont-Joli le 11 juillet 2012 à la page 6.

Notes:
(1) Pierre Cayouette et Marco Fortier, «Par ici la relève!», L'actualité, 21 novembre 2011 [En ligne] www.lactualite.com/actualites/politique/par-ici-la-releve/ (Page consultée le 20 juillet 2015).
(2) Vérification faite, elle remporta le quartier Saint-Jean-Baptiste à sa troisième tentative lors de l'élection partielle du 12 février 2006. Elle recueillit alors 79 voix sur 219 (36% des suffrages). Un projet d'accès à l'égalité du Centre Femmes de La Mitis contribua à sa victoire (http://www.la-vie-rurale.ca/contenu/3276).

Lecture conseillée:

mercredi 1 août 2012

Canada/Québec : un traitement équilibré de l'histoire?

Deux nations se faisant la guerre au sein d'un même État.

JOHN GEORGE LAMBTON, COMTE DE DURHAM

La bataille de Hong Kong et le 70e anniversaire du plébiscite du 27 avril 1942: deux poids, deux mesures


Le Réseau de l'information de Radio-Canada (RDI) présenta aux «grands reportages» de 20 heures Pearl Harbor: les États-Unis en guerre (5 et 6 décembre 2011) et Les survivants de la bataille de Hong Kong (8 décembre), deux documentaires commémorant le 70e anniversaire de l'extension de la guerre dans le Pacifique. La Société Radio-Canada (SRC) souligna l'événement sur toutes ses plateformes.

Le second film retient notre attention. Financé avec empressement par le diffuseur public, réalisé en sept mois plutôt que l'année et demie habituelle(1), il fut produit par l'Agence Gaspa de Carleton-sur-Mer, qui a interrogé six vétérans gaspésiens de cet épisode méconnu, volontairement occulté par les autorités, de la Seconde Guerre mondiale.

Les ex-soldats rencontrés sont âgés aujourd'hui de 90 ans environ. Ils furent des quelque 2000 «hommes» - parfois des adolescents de 15-16 ans enrôlés sans vérification - inexpérimentés et embarqués dans le plus grand secret pour Hong Kong. Essentiellement anglophones, ils servirent Mother England dans une bataille perdue d'avance de l'aveu même des Britanniques. Plus du quart des forces canadiennes engagées périrent. Les autres subirent inutilement les atroces conditions de détention nippones durant trois ans et huit mois.

La mémoire comme champ de bataille

Quel intérêt y a-t-il à raconter une défaite canadienne? Nous savons que la haute direction de Radio-Canada (son PDG Hubert Lacroix notamment) souhaite que ses employés anglophones et francophones «travaillent ensemble»(2). Dans ce contexte, il importe peu que cette expédition ait été un échec. Il suffit que le diffuseur public imprime en nous l'idée que c'est «notre» histoire. La manoeuvre a pour but de rapprocher les deux solitudes. Quel est le problème? Dans la lutte antifasciste, les Canadiens français ont toujours eu le mauvais rôle: celui d'ignorants et de lâches. Rien n'est fait afin de présenter le point de vue québécois.

La pratique historienne est plus sérieuse. Elle doit comprendre la volonté des peuples en dehors des élites politico-médiatiques. Or, le Québec s'est prononcé sans équivoque en faveur du volontariat et contre la conscription. À l'instar d'autres petites nations, des pays latino-américains et des États-Unis jusqu'en décembre 1941, les Canadiens français désirèrent rester autant que possible à l'écart du conflit. Lors du plébiscite du 27 avril 1942, 71,2% des Québécois (85% des francophones) refusèrent de délier le gouvernement Mackenzie King de sa promesse faite d'abord aux Canadiens français de ne jamais recourir à la conscription pour service outre-mer. «Un vote de race», selon la formule de l'économiste François-Albert Angers. La mémoire collective québécoise se souvient - pour combien de temps encore avec la réforme scolaire? - que le reste du pays (ROC) finit par imposer sa vision. Le Québec se trouva de nouveau isolé. Si l'unité canadienne pâtit de cette crise, celle du Québec se raffermit(3).

Cultivateurs, ouvriers et notables, de droite comme de gauche, les Canadiens français furent des centaines de milliers à s'objecter à la contrainte, mais le premier ministre du Québec d'alors, Adélard Godbout, s'effaça devant Ottawa. La police militaire pourchassa et tua des «déserteurs». On interna le maire de Montréal, Camillien Houde. La propagande fédérale battit son plein avec un succès mitigé. Sans enlever quoi que ce soit au grand sacrifice des Canadians à Hong Kong, les anticonscriptionnistes - l'immense majorité des nôtres - auront-ils droit aussi à leur documentaire lors du 70e anniversaire du plébiscite? Si tel est le cas, nous devrions déjà le savoir. Le Service des Relations avec l'auditoire de la SRC n'offre aucune réponse. Le diffuseur public, loin de revenir sur son attitude partiale de 1942 qui nourrit le sentiment d'aliénation du Québec(4), préférera-t-il nous informer ce jour-là d'un banal fait divers survenu à Moose Jaw?

Références
(1) Gagné, Gilles, «Documentaire sur la bataille de Hong Kong: six vétérans gaspésiens se souviennent», Le Soleil, 8 décembre 2011 [En ligne] www.lapresse.ca/le-soleil/actualites/les-regions/201112/07/01-4475650-documentaire-sur-la-bataille-de-hong-kong-six-veterans-gaspesiens-se-souviennent.php (Page consultée le 14 octobre 2015).
(2) Lisée, Jean-François, «Remous à Rad-Can: La société d'État, c'est moi!», L'actualité.com, 1er mars 2012,  [En ligne] http://www2.lactualite.com/jean-francois-lisee/remous-a-rad-can-la-societe-detat-cest-moi/11954/ (Page consultée le 24 avril 2012)
(3) Laurendeau, André, La crise de la conscription 1942, Montréal, Éditions du Jour, 1962, 157 p.


Un classique pour comprendre les Canadiens français lors du plébiscite.
(4) Canuel, Alain, «La censure en temps de guerre: Radio-Canada et le plébiscite de 1942», Revue d'histoire de l'Amérique française, volume 52, numéro 2 (automne 1998), p. 217-242, [En ligne] http://id.erudit.org/iderudit/005347ar (Page consultée le 24 avril 2012).

Article paru sur la Tribune libre de Vigile le 27 avril 2012.

Manifestation anticonscriptionniste devant le Séminaire de Rimouski.

Source: Paul Larocque dir., Rimouski depuis ses originesRimouski, 
Société d'histoire du Bas-Saint-Laurent et la Société de généalogie et d'archives de Rimouski, en collaboration avec le Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l'Est du Québec, 
2006, p. 225. ISBN: 2920270796.