lundi 31 août 2015

Bloc québécois : la candidate Kédina Fleury-Samson nie faire de la magie vaudou

Pensée du jour

Si le ridicule ne tue pas, la superstition trouble les plus vulnérables.

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J'offre aux lecteurs de ce blogue un moment d'humour. Dans la catégorie «N'ajustez pas votre appareil», ce texte du journaliste David Drapeau se passe de commentaire:

La candidate du Bloc dans Avignon-La Mitis-Matane-Matapédia doit se défendre de pratiquer la magie vaudou.
Kédina Fleury-Samson affirme qu'elle pratique une forme de magie, mais qu'elle n'est pas vaudou.
Sur la page Facebook du Salon entre deux mondes [aussi appelé «Salon de l'Ésotérisme et du Paranormal»] de Rivière-du-Loup en 2014, elle disait offrir des ''cérémonies magiques''.
Mme Fleury-Samson croit que beaucoup de gens la croient vaudou uniquement parce qu'elle est d'origine haïtienne.
Elle jure qu'elle n'a aucune poupée vaudou chez elle, et qu'elle ne pratique aucune incantation contre ses adversaires.

David Drapeau, «Kédina Fleury-Samson nie faire de la magie vaudou», 99,9 Rougefm, Amqui, 31 août 2015, [En ligne] amqui.rougefm.ca/info-amqui/2015/08/31/kedina-fleury-samson-nie-faire-de-la-magie-vaudou (Page consultée le 31 août 2015).


Sources: Page Facebook du «Salon de l'Ésotérisme et du Paranormal Entre 2 Mondes», septembre 2014.
Blogue de pabeaulieu, 28 août 2015.


Source: L'Information, 7 août 2015. 

Quant à son adversaire de Forces et Démocratie, Jean-François Fortin, il met la main... là où il ne faut pas!

Ceci n'est pas un photo-montage.
Source: Rougefm, Amqui, 2 mai 2014.

L'acteur Craig Bierko dans Scary Movie 4
 Source:YouTube

vendredi 21 août 2015

Quand l'air du temps charrie Pascal Bérubé

Pensée du jour

Lucien Jerphagnon (universitaire, historien et philosophe français):

«L'air du temps [Pascal Bérubé au centre] s'engouffre évidemment [entre] les esprits [Philippe Couillard et Pierre Karl Péladeau] proportionnellement au vide qu'il y trouve, la culture [politique] constituant le seul filtre efficace.»

Photo: La Presse canadienne (PC)
Source: Roger Boudreau, «Pascal Bérubé était au bon endroit!», L'Avantage, 19 mai 2015.

Pascal Bérubé et le mystère Matane-Matapédia élucidé

À vaincre sans péril, on triomphe sans gloire.

PIERRE CORNEILLE, LE CID
SÉNÈQUE, DE LA PROVIDENCE
 
Pascal Bérubé
Source: Radio-Canada

Il y aurait le «mystère Québec» (Rapport Alarie, 2006). Il est écrit dans le ciel que nous aurons droit le 27 août prochain à Matane au «mystère Matane-Matapédia». Afin de frapper les esprits, et surtout de gravir les échelons de son parti, Pascal Bérubé bombe le torse: «Une avance de 11 300 votes, ça m'autorise à faire des constats». Élucider ce «mystère» avant la grande visite de Pierre Karl Péladeau s'avère une tâche urgente.

Bérubé devrait avoir le triomphe plus modeste. Le «p'tit gars» de Matane n'affrontait ici que des candidats-poteaux. Or, la moitié des Mont-Joliens et 55% des citoyens de ma localité préférèrent appuyer le premier venu plutôt que le ministre du Tourisme sortant! Son ancien homologue fédéral, le bloquiste Jean-Yves Roy, ne perdait lui aussi aucune de ses élections malgré qu'il ait été très largement critiqué pour ses absences(1).

Si Pascal Bérubé recueillit une pluralité de suffrages valides, les électeurs de ce bastion péquiste sont de plus en plus nombreux à se faire tirer l'oreille. La participation à l'«Opération convaincre(2)» - même calquée sur le principe de la vente pyramidale où chaque personne décidée à voter Bérubé doit attirer deux ou trois autres électeurs, seuls les premiers arrivés récoltant un mandat populaire - fléchit de 71% en septembre 2012 à 63% en avril 2014.

À titre de comparaison, la sociologue Claire Durand de l'Université de Montréal observe au même scrutin que «les non-francophones se sont mobilisés plus fortement [...] que dans toutes les élections qui ont eu lieu depuis le référendum de 1995. L'augmentation de [leur] participation [...] apparaît [...] surtout due à l'impact du projet de Charte de la laïcité (La Presse, 19 avril 2014(3))».

Seul un électeur inscrit sur trois dans La Mitis a voté pour le «parti unique». C'est un fait. Partant de là, on peut se demander que pèserait un bachelier en enseignement qui n'a jamais enseigné, Pascal Bérubé en l'occurrence, face à un entrepreneur à succès.

Finalement, soyons plus prosaïque. La libérale Nancy Charest venait de décéder. Contrevenant à l'esprit de sa toute nouvelle loi (adoptée le 14 juin 2013) sur les élections à date fixe(4), Pauline Marois précipita le scrutin et monsieur Bérubé en bénéficia. Y a-t-il encore quelque chose à ajouter?

Vous aurez compris que les «lauriers» de Pascal Bérubé viennent d'une histoire qui le dépasse. Si vous ne me croyez toujours pas, alors parachutez-le à Québec, à Gatineau ou à Montréal en 2018!

Une première version de cet article parue dans le quotidien Le Soleil de Québec le 12 août 2015 à la page 25.

Références
(1) Daniel Ménard, «Le maire de Mont-Joli heureux du départ de Jean-Yves Roy», Télévision de La Mitis, 20 septembre 2010 [En ligne] http://www.tvmitis.ca/politique/2097-le-maire-de-mont-joli-heureux-du-depart-de-jean-yves-roy (Page consultée le 12 mars 2017). «Duceppe rappelle à l'ordre un de ses députés», TVA Nouvelles, 1er septembre 2010 [En ligne]http://www.tvanouvelles.ca/2010/09/01/duceppe-rappelle-a-lordre-un-de-ses-deputes (Page consultée le 12 mars 2017).
(2) Roger Boudreau, «Pascal Bérubé lance ''l'opération convaincre''», L'Avantage, 3 avril 2014 [En ligne] www.lavantage.qc.ca/Actualites/2014-04-03/article-3675353/Pascal-Berube-lance-%26laquo%3B-l%26rsquo%3Boperation-convaincre-%26raquo%3B/1 (Page consultée le 13 août 2015).
(3) Claire Durand, «Le vote, la Charte, nous et les autres», La Presse, 19 avril 2014 [En ligne] http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201404/18/01-4758975-le-vote-la-charte-nous-et-les-autres.php (Page consultée le 13 août 2015).
(4) Guy Gendron, «Élections Québec 2014. Quand le PQ promettait des élections à date fixe», ICI Radio-Canada.ca, 4 mars 2014 [En ligne] ici.radio-canada.ca/nouvelles/politique/2014/03/04/010-elections-date-fixe-loi-parti-quebecois-bernard-drainville-verification-faits.shtml (Page consultée le 13 août 2015).

lundi 29 juin 2015

(Réplique à Roméo Bouchard) Les petites municipalités ne sont pas trop petites

 La société communale existe donc chez tous les peuples 
[...] Mais si la commune existe depuis qu'il y a des hommes, 
la liberté communale est chose rare et fragile. 
[...] Les institutions communales sont à la liberté 
ce que les écoles primaires sont à la science; 
elles la mettent à la portée du peuple;
elles lui en font goûter l'usage paisible et l'habituent à s'en servir. 
Sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, 
mais elle n'a pas l'esprit de la liberté. 
[...] La commune de la Nouvelle-Angleterre [...] 
compte en général de deux à trois mille habitants; 
elle n'est donc point assez étendue 
pour que tous ses habitants n'aient à peu près les mêmes intérêts,
 et, d'un autre côté, elle est assez peuplée 
pour qu'on soit toujours sûr de trouver dans son sein 
les éléments d'une bonne administration.

ALEXIS DE TOCQUEVILLE (1)


Roméo Bouchard, essayiste de Saint-Germain-de-Kamouraska, cofondateur et ex-président de l'Union paysanne, nous inspire quand il se demande dans les pages du journal Le Mouton NOIR si les petites municipalités ne seraient pas devenues trop petites(2). «[L]a famille, le rang et la paroisse [constituaient autrefois] l'armature de la sociabilité rurale, celle-ci se manifes[tait] avec un éclat particulier à l'occasion des nombreuses fêtes qui jalon[naient] l'année.(3)» Ce monde apparaît tellement, et définitivement, éloigné du nôtre:
La vie politique, économique et sociale, en région périphérique surtout, est désormais structurée autour des territoires de régions, de MRC et de villes de services. En s'accrochant aveuglément aux structures du passé, on se prive d'une participation à la vie démocratique et on laisse libre cours aux empiètements des pouvoirs de l'État central et des villes centrales(4).
On s'interrogerait aujourd'hui sur la qualité de la délibération publique si les liens du sang intervenaient continuellement(5). La rationalité des modernes est passée par là. Sans doute même un peu trop. «Des institutions comme les Caisses Desjardins et l'Église ont déjà procédé à cette restructuration territoriale en fonction de leurs besoins propres(6)», écrit le décidément très libéral Bouchard. Il faut observer sur le terrain, prendre à témoin, le déchirement d'un maire, le sentiment de perte et de régression d'un comité de citoyens. «La bataille pour conserver coûte que coûte dans chaque village une école, un dépanneur, un bureau de poste, une station d'essence, une caisse, un curé et un conseil municipal n'est désormais plus réaliste ni nécessaire(7)», martèle-t-il. Sceptique, nous sommes. Depuis quand est-ce devenu acceptable, santé et écologique plus que tragique, d'habiter un «désert alimentaire»(8)?

«Feu la ruralité(9)».Il se peut en théorie que Roméo Bouchard ait raison. Il se pourrait même que les conditions objectives se prêtent à un vaste réaménagement territorial. Mais vouloir écrire une histoire du temps présent qui décrypte le changement social exige davantage de prudence et moins de bricolage. La peur domine la réflexion quand nous lisons devoir «sans tarder, avant que ce ne soit imposé d'en haut mur à mur(10)» consentir à l'irréversible. Et si la fusion était une prophétie autoréalisatrice? La plupart des villages du Québec ont encore une garderie, une école, un dépanneur, un bureau de poste, etc. dont l'accessibilité, en contribuant grandement à la qualité de vie des familles, est synonyme d'attractivité.

L'avancement de la modernité provoque un accroissement de réflexivité avec son lot d'utopies. D'après Roméo Bouchard, il suffirait de «redéfinir ensemble» la MRC pour que les petites collectivités «qui n'ont pas leur mot à dire» s'y trouvent «démocratiquement intégrées(11)». Ou encore, le géographe Clermont Dugas qui incite le gouvernement à «faire des villes», comme si cela se commandait(12). «En effet, regardez Rimouski.» Que nenni, monsieur le professeur! Il s'avère que nous connaissons intimement la métropole du Bas-Saint-Laurent et affirmons sans hésiter qu'elle est une ville développée au fil des générations dont les récentes fusions ne marquent qu'un retour à ses frontières du... XIXe siècle!

Certains souhaitent refonder les appartenances sur l'économisme. La formule de l'historien Ernest Labrousse ne date pas d'hier: «Sur l'économique retarde le social et sur le social le mental(13)».Le romancier et essayiste Pascal Bruckner a dénoncé le placement du système économique au-dessus de toute autre activité humaine à droite comme à gauche de l'éventail idéologique(14). Ainsi en est-il de Roméo Bouchard lorsqu'il pense que le «débat sur la ruralité [doit] se situer clairement sur le plan politique et économique(15)». Nous pourrions toujours lui citer le sociologue Fernand Dumont aux États généraux du monde rural en 1991: «La décentralisation est une question de culture et la culture ce n'est pas une question de décor, mais de préalable de la vie en commun(16)». Malheureusement, Bouchard inscrit le clivage en ces termes: «Le village de demain» contre les nostalgiques à la «rhétorique culturelle passéiste(17)».

Balayons ces supputations. D'une part, l'homo oeconomicus ne saurait avoir toujours la préséance. L'argument voulant que les municipalités épousent les espaces fonctionnels du moment participe du même raisonnement qui annonce le dépassement de l'État-nation. Les jeunes en particulier n'auraient que faire de ces vilains archaïsmes. Vraiment? «[S]ouvent la plasticité culturelle extrême est le fait d'une individualité hyper-développée et, en dernière instance, dénouée d'attaches collectives fortes.(18)» Il ne nous semble pas du tout évident que le nomade s'impliquera davantage dans la vie locale en élargissant considérablement ses limites. Le contraire est à craindre avec l'exacerbation du «magasinage identitaire». D'autre part, l'économie traverse des cycles(19). «L'histoire tendant malgré tout à se répéter, on peut présumer que, si elles [les localités marginales] n'existaient pas, on songerait à les constituer.(20)» Le véritable aveuglement consiste peut-être à croire impossible, de définir comme une tradition morte, l'occupation du sol défriché à grand-peine par nos aïeux pendant que nous assisterons sur Terre à la naissance du huit milliardième être humain et au bouleversement du climat. Figurons qu'il serait mal avisé de vider le Haut-Pays quand le niveau de la mer monte! Souvenons-nous des relocalisations après les grandes marées du 6 décembre 2010.

Le mouvement de fusion municipale existe depuis plusieurs décennies et rien n'indique son essoufflement. Les municipalités qui envisagent le regroupement sont éligibles à toutes sortes d'aides et subventions gouvernementales. «La facilité technique recherchée par la réduction du nombre d'interlocuteurs, la mise à l'écart d'un modèle d'administration ''responsabiliste'' et la promotion sociale des secrétaires-trésorier(e)s, n'est qu'un reflet de la même emprise technocratique sur notre société.(21

Le premier cas d'envergure fut celui de la ville de Laval en 1965 avec le résultat que l'on connaît à la Commission Charbonneau... La concurrence disparaissant, les économies d'échelle ne se matérialisèrent point. Les municipalités de 1000 à 3000 résidants avaient les coûts d'administration per capita les plus bas(22). De manière générale, leur dimension humaine rend leurs gestionnaires plus imputables. Quant aux petites municipalités, moins de 1000 habitants, celles restantes sont désormais trop éloignées des villes-centres pour s'y fondre avec bonheur, mais peuvent toujours conclure des ententes entre voisines. Alors, pourquoi cet acharnement contre elles?

Voilà qui est affaire de pouvoir. La critique de cette modeste administration - ironie du sort, déjà au plus près du citoyen - cache bien mal un projet politique révolutionnaire. La volonté de son auteur est de mettre entre parenthèses durant deux ans tous les grands enjeux du Québec, le temps de «reformater» l'esprit démocratique en convoquant une assemblée constituante et instrumentaliser d'éventuelles super-municipalités afin de prendre en tenailles l'État québécois à «gros sabots(23)».

Pareille figure de style doit être mise en contexte. Roméo Bouchard est la principale tête d'affiche, l'homme à barbe dirons- nous, de la Coalition pour la constituante. Dépouiller le gouvernement québécois heurterait l'opinion. Il faut donc le présenter comme exagérément centralisé en mobilisant au passage la mémoire de la Révolution tranquille(24). Or, le Québec n'est pas la France jacobine. Il y a des Montréalais «plateaucentriques», mais dans l'ensemble le Québec forme une petite nation, un «village gaulois», à la périphérie de l'Amérique. Alors que Roméo Bouchard passe sous silence le régime, l'emprise du Canada de 1982 sur la «province», l'individualisme démocratique, figure abstraite et procédurale, risque de l'emporter à l'Assemblée nationale...

«Saignez-le!, saignez-le!», scandent presque ces populistes(25). Prenons garde à ce que «le remède ne tue le patient», observe le sociologue Joseph Yvon Thériault(26). Ce que Bouchard nomme «autogestion» abouti à un rejet des médiations, déplorent Thériault père et fille:

Nous voulons être notre propre maître, en d'autres mots, nous avons le désir d'un monde «immédiatement humain», loin de toute représentation, de toute délégation de «pouvoir». Dorénavant, toute réalité extérieure à nous est perçue comme une contrainte(27).

Le gouvernement des juges fixe les droits de chacun, là s'arrête le lien social. Une sensibilité plus «conservatrice» - pardonnez ce gros mot qui a, hélas, juste la taille qu'il faut - inquiète de la dissolution du monde commun et respectueuse de l'immense complexité du social, voudrait qu'au lieu d'approfondir la crise des institutions représentatives nous réinvestissions l'espace public existant. Le «sacre» contemporain de la mobilité reste emblématique d'un évitement, puisque la maîtrise de la grammaire politique d'un lieu exige une «immersion», de la transcendance. Penseur libéral et partisan de la décentralisation, Tocqueville prenait en considération les dimensions communautaire, culturelle ou historique de la citoyenneté: «les affections des hommes ne se portent en général que là où il y a de la force. On ne voit pas l'amour de la patrie régner longtemps dans un pays conquis(28)».

La pensée moderne regorge de splendides visions de régénération sociale qui, privées de garde-fous, aboutirent au cauchemar. L'homme nouveau et vertueux de Robespierre est désincarné. Sa civilisation s'oppose à la culture. Il faut parfois s'en remettre à la «raison cumulative» - sédimentation de décisions, produit de la sagesse du temps historique - inatteignable par la simple raison juridique, plaidait le philosophe Edmund Burke. En attendant le meilleur des mondes, le Grand Soir de la table rase, le cadre actuel, hérité de l'expérience, rencontre «le plébiscite du quotidien». La majorité de la population demeure fermement attachée à ses «préjugés(29)». Dépité, Bouchard en convient: «Dans la perception populaire, le maintien du conseil municipal et la survie d'un village sont indissociables(30)».

Le philosophe Alain Finkielkraut rappela en 2013, dans son essai L'identité malheureuse, ces mots de Péguy: «Il faut toujours dire ce que l'on voit. Surtout il faut toujours, ce qui est le plus difficile, voir ce que l'on voit(31)». Une tentation autoritaire subsiste. Roméo Bouchard attribue l'«échec» du Parti québécois au nationalisme ethnique(32). Il souhaite la transformation des populations locales par l'afflux de nouveaux arrivants «plus interculturels(33)». En effet, puisqu'il n'a de cesse de décevoir les esprits avancés, tout dévoués à l'objectif illimité de le rendre heureux, «ne serait-il pas plus simple, comme l'écrivait en boutade Bertolt Brecht, de dissoudre le peuple et d'en élire un autre?(34

Ancien prêtre, Roméo Bouchard devrait pourtant savoir qu'un peuple qui se diversifie, s'émancipe, a besoin plus que jamais d'un principe spirituel, d'un espace public intégrateur auquel participe l'histoire. Il appert sous la plume d'Ernest Renan qu'une grande solidarité se constitue «par le sentiment des sacrifices qu'on a faits et de ceux qu'on est disposé à faire encore(35)».

Roméo Bouchard à l'émission de Pénélope McQuade le 8 août 2013.
Source: ICIRadio-Canada.ca


Notes et références

(1) Alexis de Tocqueville, De la démocratie en Amérique, Tome 1, Préface d'André Jardin, [s.l.], Gallimard, 1993, Coll. «Folio/Histoire», no 12, p. 111-114.
(2) Roméo Bouchard, «Les petites municipalités sont-elles trop petites?», Le Mouton NOIR, vol. XVI, no 5, Rimouski, mai-juin 2011, p. 6. Disponible en ligne au: http://www.moutonnoir.com/2011/05/les-petites-municipalites-sont-elles-trop-petites/ (Page consultée le 31 octobre 2013).
(3) Paul-André Linteau et al., Histoire du Québec contemporain. De la Confédération à la crise (1867-1929), Tome 1, Montréal, Boréal, 1989, Coll. «Boréal compact», no 14, p. 208.
(4) Roméo Bouchard, «Les petites municipalités...»... op. cit.
(5) Le Conseil des Mohawks de Kahnawake a expulsé les «Blancs» de la réserve en février 2010. Comme il fallait s'y attendre, la nouvelle défraya la chronique au Québec et à l'étranger.
(6) Roméo Bouchard, «Les petites municipalités...»... op. cit.
(7) Ibid.
(8) «Lorsqu'on demeure en milieu rural, vivre dans un désert alimentaire signifie habiter à plus de 16 kilomètres d'un commerce d'alimentation. [...] Reconnaissant cette problématique, le ministère de la Santé a souhaité établir un portrait de cette réalité pour toutes les régions du Québec. Résultat, on apprend qu'un Québécois sur vingt vit actuellement dans un désert alimentaire. Cette proportion explose dans les régions de la province où la population est dispersée sur d'immenses territoires.» (Gaspésie: 36%, Abitibi: 19,3%, Côte-Nord: 19%, Bas-Saint-Laurent: 18,4%) Gilles Turmel, «Déserts alimentaires: une problématique inquiétante», TVA Est du Québec, 7 novembre 2013, [En ligne], http://tva.canoe.ca/stations/cfer/nouvelle/20131107.html (Page consultée le 8 novembre 2013).
(9) Roméo Bouchard, «Feu la ruralité», Le Mouton NOIR, Cahier spécial, novembre-décembre 2010, non paginé.
(10) Roméo Bouchard, «Les petites municipalités...»... op. cit.
(11) Ibid.
(12) Clermont Dugas ci té par Réginald Harvey, «Le monde rural d'aujourd'hui - Il importe de savoir d'abord où commence la ruralité au Québec», Le Devoir, 11 mai 2011 [En ligne] http://www.ledevoir.com/societe/actualites-en-societe/323009/le-monde-rural-d-aujourd-hui-il-importe-de-savoir-d-abord-ou-commence-la-ruralite-au-quebec (Page consultée le 31 octobre 2013).
(13) Hervé Martin avec la collaboration de Guy Bourdé, «L'histoire nouvelle, héritière de l'école des ''Annales''», dans Guy Bourdé et Hervé Martin en collaboration avec Pascal Balmand, Les écoles historiques, [s.l.], Seuil, Coll. «Points Histoire», no H67, 1997 [1re édition: 1983], p. 262.
(14) Pascal Bruckner, Misère de la prospérité. La religion marchande et ses ennemis, Paris, Grasset, 2002, 242 p.
(15) Roméo Bouchard, «Déboulonner les mythes», Relations, no 727, septembre 2008. Disponible en ligne au: http://www.cjf.qc.ca/fr/relations/article.php?ida=1424 (Page consultée le 5 novembre 2013).
(16) Solidarité rurale du Québec, Pour une décentralisation démocratique, Sainte-Foy, Presses de l'Université Laval, 2006, p. 211.
(17) Roméo Bouchard, «Déboulonner les mythes»... op. cit.
(18) Victor Armony, «Le Québec expliqué aux immigrants», MCD-Bulletin de la chaire de recherche du Canada en mondialisation, citoyenneté et démocratie, no 9, automne 2007, p. 7.
(19) Le géographe Majella Simard nous parle de ces revirements inattendus dans «La situation démographique de l'Est-du-Québec: un bilan aux trajectoires contrastées», L'Action nationale, vol. 92, no 4, avril 2007, p. 21-26.
(20) Clermont Dugas, L'espace rural canadien, Sainte-Foy, Presses de l'Université du Québec, 1996, p. 164.
(21) Gary Caldwell, «Nos petites municipalités», Encyclopédie de L'Agora, [En ligne], http://agora.qc.ca/documents/municipalite--nos_petites_municipalites_par_gary_caldwell(Page consultée le 23 octobre 2013).
(22) Ibid.
(23) Roméo Bouchard, «Les petites municipalités...»... op. cit.
(24) Roméo Bouchard, «Déboulonner les mythes»... op. cit.
(25) «Pour certains, la décentralisation est vue comme un projet permettant aux citoyens de s'affranchir de la dictature de l'État central. Elle emprunte alors à l'esprit des mouvements de libération.» Robert Fournier, «Décentralisation», Encyclopédie de L'Agora, [En ligne], http://agora.qc.ca/Dossiers/Decentralisation (Page consultée le 5 novembre 2013).
(26) Joseph Yvon Thériault, «Politique et démocratie - Quand le remède pourrait tuer le patient», Le Devoir, 10 décembre 2011. Disponible en ligne au: http://www.ledevoir.com/politique/quebec/338070/politique-et-democratie-quand-le-remede-pourrait-tuer-le-patient (Page consultée le 5 novembre 2013).
(27) Annie-Claude Thériault et Joseph Yvon Thériault, «De la désaffiliation ou du rejet des médiations», Philo & Cie, no 6 (septembre-décembre 2013), p. 29.
(28) Alexis de Tocqueville, De la démocratie... op. cit., p. 121.
(29) À prendre au sens littéraire de «pré-jugé», c'est-à-dire avant le droit.
(30) Roméo Bouchard, «Les petites municipalités...»... op.cit.
(31) Alain Finkielkraut, L'identité malheureuse, Paris, Stock, 2013, p. 186.
(32) Roméo Bouchard, «Reconquérir notre territoire», Relations, no 740, mai 2010. Disponible en ligne au: http://www.cjf.qc.ca/fr/relations/article.php?ida=576 (Page consultée le 17 février 2014).
(33) Roméo Bouchard, «Déboulonner les mythes»... op. cit.
(34) Bertolt Brecht, «La solution», Poèmes, Tome 7 (1948-1956), Traduit par Maurice Regnault, L'Arche, 2000.
(35) Ernest Renan, Qu'est-ce qu'une nation?, [s.l.], Mille et une nuits, 1997 (Conférence prononcée en Sorbonne le 11 mars 1882), Coll. «Mille et une nuits», no 178, p. 32.

jeudi 16 avril 2015

La psychologie du grand homme politique de Mathieu Bock-Côté

 
Je m'amuse souvent à balancer deux boutades sur la modestie. La
première, que la modestie est la vertu de ceux qui n'en ont pas
d'autres. La deuxième, que les gens modestes ont normalement
d'excellentes raisons de l'être.

MATHIEU BOCK-CÔTÉ(1)
 

Au tournant du XXIe siècle, la presse quotidienne doit faire face aux médias sociaux. Une information présente en surabondance, le plus souvent sous forme d'opinions, remet en cause l'essence même du travail journalistique, y compris le journalisme d'enquête. Quebecor(2) exige d'importantes concessions à ses employés du Journal de Montréal en 2008-2009. La direction remporte le conflit après deux ans de lock-out. Le nouveau modèle d'entreprise repose sur l'embauche de chroniqueurs-vedettes auxquels se joint Mathieu Bock-Côté (MBC) en février 2012.

Disserter sur les grands hommes est un des sujets de prédilection, l'apostolat peut-être, de ce sociologue conservateur. La candidature de Pierre Karl Péladeau (PKP) à la chefferie du Parti québécois se trouve au centre de ses plus récents billets. J'attire cependant votre attention sur un texte-fleuve, d'une quinzaine de pages, publié sur son blogue du Journal le 5 août 2012 et intitulé: «Psychologie du grand homme politique: réflexions dispersées sur l'homme politique(3)». Je vous invite à considérer tous ces papiers réunis en un recueil (Exercices politiques) paru l'année dernière chez VLB éditeur, une société de Québecor Média. Ils permettent d'éclairer les ressorts, la théorie du pouvoir et de la domination, du jeune intellectuel qui se réclame de Raymond Aron.

Je choisis de soumettre l'article du 5 août 2012 à une analyse de contenu. Cette technique de recherche offre de nombreux avantages: approfondissement de la symbolique, possibilités d'études comparatives et évolutives et richesse d'interprétation(4). Je procède à la critique externe et interne du document afin de l'évaluer.

1. Présentation du contexte et des conditions de production de l'article

En 2011, le Québec a eu ses Indignés. Il ne s'est pas encore remis de la contestation étudiante du «Printemps érable» en août 2012 que Jean Charest le plonge en élections. Le premier ministre sortant s'érige en défenseur de la loi et de l'ordre alors que le mouvement Occupy et la CLASSE sont philosophiquement allergiques à la verticalité inévitable du pouvoir. Sondages à l'appui, la «majorité silencieuse» semble donner raison au gouvernement. Refusant de s'inscrire sous une autorité quelconque et de définir une ligne politique, la gauche radicale, altermondialiste, s'enlise dans des querelles de procédures. Elle rejette les médiations, car elle a la passion de l'égalité. Le sociologue Joseph Yvon Thériault, en exégète de Tocqueville, avance qu'elle aime trop la démocratie(5). Gardons-nous de déterminer un vainqueur. Le sort joue parfois aux poupées russes:
On ne peut toutefois analyser la signification d'un mouvement social à partir de ses effets sur la conjoncture immédiate. Il est trop tôt, ai-je dit plus haut, pour saisir s'il s'est passé quelque chose au Québec au printemps dernier. Rappelons-nous mai 68. À court terme cela eut comme effet de renforcer la droite française et de favoriser la réélection du général de Gaulle. À long terme, cela eut un formidable impact sur l'imaginaire et la pratique des démocraties occidentales(6).

Mathieu Bock-Côté naît à Lorraine, une banlieue favorisée de la rive nord de Montréal, en 1980. Il reçoit ses premiers «fragments d'éducation conservatrice(7)» dans le giron familial. Son père, issu de la «petite bourgeoisie nationaliste(8)», enseigne toute sa carrière l'histoire du Québec et celle de la civilisation occidentale au Collège de Rosemont. Sa mère vient plutôt de «la vieille souche paysanne québécoise(9)». Elle serait une «sainte femme(10)» à en croire le fils dans la très sérieuse revue Argument. Elle n'est pas seulement dévouée à ses proches. C'est «une sainte femme», entendez-vous! Expression archaïque qui a de quoi réconforter un gamin, empreint de morale chrétienne?

Le jeune homme idéaliste complète sa formation au département le plus revendicateur, de la faculté la plus turbulente, de l'université la plus malmenée en province. Et comme le verbomoteur porte son conservatisme à la boutonnière, des graffitis témoignant de son passage ornent bientôt les murs de l'institution. Nul doute qu'il connaît un temps la marginalité. Il est de cette minorité de sociologues uqamiens préférant avoir raison avec Aron que tord avec Sartre.

Le «phénomène Bock-Côté» grandit au cours des années 2000. Bachelier en philosophie et docteur en sociologie, Mathieu Bock-Côté est chargé de cours à HEC Montréal. Il a enseigné à l'Université du Québec à Montréal, à l'Université de Montréal et à l'École de politique appliquée de l'Université de Sherbrooke. Il est l'auteur d'Exercices politiques (VLB, 2013), de Fin de cycle: aux origines du malaise politique québécois (Boréal, 2012), de La dénationalisation tranquille: mémoire, identité et multiculturalisme dans le Québec post-référendaire (Boréal, 2007) et La cité identitaire (Athéna, 2007) en plus de nombreux chapitres de livres et articles scientifiques. Ses travaux portent sur la démocratie, le multiculturalisme, les idéologies politiques et la culture politique québécoise. Il est ou fut par ailleurs chroniqueurs au Journal de Montréal, au FigaroVox, au 24H, à Échos Montréal, à Dumont, à la radio de Radio-Canada, à Radio Ville-Marie, au FM98 et à CHOI. Il collabore régulièrement à la revue L'Action nationale(11).

Mathieu Bock-Côté regrette que:
l'homme moderne n'accède au désir de l'espace public que par l'imaginaire frelaté de la célébrité. Le désir d'être connu ici et maintenant. L'homme moderne souhaite bien davantage se voir à la Une des magazines à potins qu'avoir un biographe qui rendra compte dans cinquante ans ou dans cent ans de sa trace dans l'histoire. Il préférerait se confier à n'importe quel spécialiste médiatique du «vécu pathétique» qu'avoir Jean Lacouture comme biographe!(12)
Il dénonce ainsi d'un trait la «peopolisation de la monarchie(13)». Il se laisse pourtant entraîner au quotidien dans l'univers «people» (voir les photos ci-dessous) qu'il méprise du haut de sa chaire. Il oublie vite que sa conjointe Karima Brikh, animatrice, conceptrice et productrice, est une star du petit écran, une habituée des galas et autres tapis rouges. Il est d'ailleurs son «fan no 1(14)». Qui sait si ce couple du Plateau fondera à son tour une dynastie médiatique transnationale?

Mathieu Bock-Côté baigne dans l'univers «people» qu'il condamne en prêche.
 Source: Magazine Clin d'œil, 2014



Karima Brikh «sur le party»
Source: Clin d'oeil, 11 novembre 2009.
Photo: Julien Faugère
Le Journal de Montréal représente une immense tribune. Le tabloïd tire à plus de 300 000 exemplaires. La concentration de la propriété de la presse et la convergence des médias accroissent considérablement la diffusion de ses contenus. La Presse de Gesca, une filiale de Power Corporation, est son principal concurrent. Le blogue permet à Mathieu Bock-Côté de développer à loisir ses thèses et à un vaste public de les lire gratuitement. Les commentaires sont admis après modération.

2. Analyse et critique de sa psychologie du grand homme politique
A. Prélèvement quantitatif

Le texte à l'étude s'intéresse à un animal politique «singulier», «exceptionnel», «providentiel» et «prophétique», le genre à disposer de qualités hors du commun, une posture aristocratique au sens fort du terme: celui de l'élévation morale. Mathieu Bock-Côté suscite un état de «grâce» en employant le verbe «savoir» six phrases d'affilée dès le premier paragraphe. Il concède beaucoup plus tard que le meilleur des chefs puisse jouir des attraits du pouvoir: femme, argent et statut social. «Le grand homme est aussi un homme» à l'exercice du commandement.

À ce «Secret d'histoire(15)», Mathieu Bock-Côté nous ouvre les portes de son panthéon. Charles de Gaulle est très facilement «élu» premier d'entre les grands. Une citation du général, de source non identifiée (il s'agit en fait du Fil de l'épée(16)), coiffe le texte. Les personnalités illustres apparaissent surtout en début d'article. L'origine de ces augustes maîtres à penser donne le ton: six hommes, une femme, figures occidentales marquantes du XXe siècle et situées essentiellement à droite de l'hémicycle. Seule Margaret Thatcher se vo it désignée par son sexe, «Madame» Thatcher, ce qui ne va pas sans rappeler le caractère insolite de la Schtroumpfette dans le monde merveilleux des petits lutins bleus...

Mathieu Bock-Côté a visité et revisité certains classiques du genre au fil des ans. Les 23 oeuvres recensées nous permettent de cartographier jusqu'à son rapport au monde. Une conception du grand homme politique nourrie au sein d'une civilisation occidentale, d'une époque contemporaine et d'une culture française: «[J']en reviens toujours à de Gaulle. Pourquoi toujours de Gaulle? Par sympathie pour la France? Peut-être. Mais surtout parce qu'il représente le dernier grand homme politique occidental.(17

Il marque sa préférence pour le génie français. Viennent ensuite des productions québécoises, britanniques, américaines et, peut-être, israéliennes. Rien ne subsiste de ce qui grouille, grenouille et scribouille à l'extérieur. Maîtrise-t-il d'autres idiomes que ceux de Molière et de Shakespeare?

D'Aristote à Éric Zemmour en passant par Alexis de Tocqueville, sa prose met en scène les canons de l'élitisme, du libéral-conservatisme et possiblement de la réaction. Pour paraphraser Jacques Julliard, que sont les grands hommes de gauche et de couleur devenus? Le sage ose penser contre soi-même. Trêve de modestie! MBC suggère d'abord des biographies. Essais, romans et films historico-patriotiques s'enchaînent. Il expose finalement des théories politiques aux «hommes» à qui il s'adresse. Nous sommes devant un esprit brillant et sûr de lui: «[J]e préfère les grands égos (sic) aux petits égaux(18)».

Le sociologue militant, frondeur, s'enorgueillit de pratiquer l'art de la conversation. S'il néglige seulement d'y convier les personnalités du camp adverse ainsi que leurs oeuvres, leurs excès présumés sont portés continuellement à notre attention. Le chroniqueur-vedette juge sévèrement: le monde moderne, la pensée gestionnaire, la démocratie immodérée, le libéralisme philosophique, les sondages, l'histoire sociale, la psychologie d'aujourd'hui, le repli dans l'intimité et même la célébrité! Nombre de ces manifestations modernes permettent au Peuple d'avoir enfin une voix. Si l'histoire militaire, par exemple, remonte à Thucydide (460 à 395 avant notre ère), le Peuple ne devient un héros qu'avec Jules Michelet (1798-1874)(19). Hier encore, il n'y en avait que pour la légitimation des têtes couronnées. D'où l'injonction suivante: du pain et des jeux à la plèbe, mais rendez à César et à Dieu ce qui leur appartient!

Rien pour attendrir un lectorat plus progressiste et féminin? Pas nécessairement. MBC se définit comme un «pessimiste joyeux». Sa défense passionnée du «monde commun» contraste avec les libertariens qui occupent, polluent diront certains, les ondes radiophoniques de Québec. Intellectuel frais émoulu de l'université, issu de la petite bourgeoisie, il chante le dépassement de soi. Il y affecte un trésor de style. Il use de la galanterie à la manière de son ancien directeur de thèse, Jacques Beauchemin. Les sentiments se bousculent à la lecture: admiration, tension, pression, passion, volonté, gloire, etc. Il se porte ailleurs au chevet des librairies de quartier. «Le héros romantique est un être qui a conscience d'être né trop tard dans un monde trop vieux(20)», appris-je naguère au Cégep. Louis Cornellier, chroniqueur d'essais québécois au Devoir, est subjugué par ce «conservateur... de gauche»!(21)

B. Prélèvement qualitatif

Mathieu Bock-Côté est un des essayistes les plus influents de sa génération. Il joint la passion de la gloire à celle de l'égalité. Il estime en introduction que toucher aux grands hommes, lire leurs biographies, donne une compréhension supérieure de la cité. Dans la première partie, il mesure combien la modernité appauvrit, désenchante, notre monde: «La fierté est probablement ce qui reste de la grandeur(22)». En deuxième partie, nos sociétés, la gauche en particulier, cèdent aux sirènes de la démocratie radicale. Si l'on veut réellement se déprendre de l'illusion gestionnaire, MBC assure, en dernière partie, que la démocratie doit «s'ouvrir [aux grands hommes] lorsqu'elle les rencontre(23)». Pareil chef est un mélange de nature («comme appelé par les dieux(24)») et de culture: histoire pour la durée, littérature pour les passions et philosophie pour le sens. En conclusion, le grand homme permet au peuple d'avoir conscience de sa liberté.

L'homo grandis fascine sous toutes ses coutures. L'intérêt pour l'acteur social ne se dément pas. Réécrire l'histoire par la fiction uchronique, par exemple, redonne du poids à l'événement. Seulement, MBC s'inquiète de la place prise dans nos vies par les processus rationnels-bureaucratiques, les fameuses «vraies affaires» des libéraux.

Je n'arrive toujours pas à m'expliquer pourquoi Mathieu Bock-Côté ne fait jamais ouvertement référence au concept de charisme et à son théoricien incontournable: Max Weber. Son grand homme politique exerce une domination charismatique au sens «d'une qualité en raison de laquelle un personnage est considéré comme doté de forces et de qualités surnaturelles ou surhumaines, ou au moins spécifiquement extra-quotidiennes qui ne sont pas accessibles à tous, ou comme envoyé par Dieu, ou comme exemplaires, et qui pour cette raison est considéré comme ''chef''(25)». On n'engraisse pas les cochons à l'eau claire. «Les débats, dans les sciences sociales aujourd'hui, sur le concept de charisme ont tous, sans aucune exception, pour point de départ le concept wébérien(26).»

Peut-être ne veut-il pas ennuyer les lecteurs du Journal de Montréal? MBC chérirait alors aussi la phrase simple(27): ce qui n'est pas tout à fait le cas. Il rédige un billet mammouth de quelque 7000 mots et cite trois paragraphes du philosophe Pierre Manent à notre plus grand profit.

Qui n'a jamais entendu parler du charisme? «Dans le langage courant, un lien est facilement établi entre les qualités charismatiques d'un chef et le phénomène de séduction.(28)» Les intellectuels gardent toutefois un souvenir amer du charisme wébérien. Le sociologue allemand aurait pavé la voie en y revenant dans son ouvrage mieux connu, Économie et société (1922), à la «résistible ascension», l'expression est de Bertolt Brecht, d'un certain guide ou Führer: Adolf Hitler. Cet antéchrist est paradoxalement le personnage historique se rapprochant le plus de l'idéal-type charismatique de Weber.

Le commentaire d'un des lecteurs souligne l'absence étonnante de Franklin Delano Roosevelt aux côtés des Churchill et de Gaulle. Confronté à la Grande Dépression, le locataire de la Maison-Blanche élabore un mode de présidence plus interventionniste et actif. Il consacre la fin de l'isolationnisme et conduit les forces alliées à la victoire sur les régimes fascistes. Mais, car il y a bien un «mais», Roosevelt le démocrate, anticolonialiste convaincu, n'apprécie pas le grand Charles à la hauteur de Mathieu Bock-Côté. Il le voit comme un possible dictateur. Un homme seul et autoritaire. On connaît la réplique de Roosevelt: «Il se prend pour Jeanne d'Arc...» À la Libération, les Américains comptent placer la France sous protectorat anglo-saxon (AMGOT). Roosevelt est un pragmatique. Il ne reconnaît officiellement la république du général de Gaulle que le 23 octobre 1944 sous la pression conjuguée des Britanniques, du Congrès des États-Unis et de la presse(29).

La question nationale transpire de cet article. Mathieu Bock-Côté imagine un prince charmant arrivant sur son cheval blanc pour délivrer le Québécois des griffes d'Ottawa. Pierre Karl Péladeau incarnera deux ans plus tard la réussite économique dans un camp national associé à la défaite. Mais que faire si le gentilhomme en question fut nul autre que celui qui rapatria unilatéralement la Constitution? Le ver est dans le fruit. A-t-on vraiment besoin d'un Trudeau II? Le souverainiste qui entend rationaliser ses affects doit bien parer au grand homme... «infect»! L'école des Annales, à commencer par Marc Bloch (1886-1944), auteur des Rois thaumaturges (1924), a répondu à «l'idéalisme naïf» au siècle dernier(30). Notre Mathieu Bock-Côté national est ébloui par la puissance créatrice du charisme au point de négliger certaines leçons de l'histoire.

Conclusion

Le texte retenu nous permet d'examiner les fondements de la domination charismatique. Je partage sur le fond certaines vues de l'auteur, mais préfère de loin jouer l'avocate du diable. Vous m'en saurez gré. Je l'espère. «Du choc des idées jaillit la lumière (Nicolas Boileau).»

L'hypermodernité se déploie non sans rencontrer quelques obstacles. La passion de l'égalité doit composer avec celle de la grandeur. Toutes deux sont inscrites dans la nature humaine. Si MBC met sa plume conservatrice au service de cette vérité anthropologique, l'appel insistant à la mystique du sauveur résulte de la crise du mouvement souverainiste. L'ironie veut justement que ce soit un homme providentiel, Trudeau père, qui ait brisé l'élan du nationalisme québécois. J'appelle donc le sociologue militant à évaluer plus prudemment, je n'ose dire plus «modestement», l'impact positif de son sujet de prédilection.

L'analyse de contenu a ses inconvénients. Elle exige du temps, n'épuise pas la réalité et pose des problèmes d'interprétation(31). Regardons vers l'avenir. Nous n'avons pas fini d'entendre parler du jeune Mathieu Bock-Côté. Le changement social, la transformation du quatrième pouvoir, accorde au prescripteur d'opinion, tout ce dont il a besoin.

Notes et références
(1) Mathieu Bock-Côté, «La modestie peut tuer», 24H, 22 juin 2011. [En ligne] http://www.24hmontreal.canoe.ca/24hmontreal/chroniques/mathieubockcote/archives/2011/06/20110622-091007.html, (Page consultée le 13 novembre 2014).
(2) Le conglomérat a introduit une version française à son appellation par l'ajout d'un accent aigu sur le premier «e» de «Quebecor» le 10 avril 2012.
(3) Mathieu Bock-Côté, «Psychologie du grand homme politique: réflexions dispersées sur l'homme politique», Blogue de Mathieu Bock-Côté, Le Journal de Montréal, 5 août 2012, [En ligne] http://www.journaldemontreal.com/2012/08/05/psychologie-du-grand-homme-politique--reflexions-dispersees-sur-lhomme-politique (Page consultée le 14 novembre 2014).
(4) Maurice Angers, Initiation pratique à la méthodologie des sciences humaines, 2e édition, Anjou, CEC, 1996, p. 165.
(5) Intervention à l'événement «Nous?» au Monument-National le 7 avril 2012. Joseph Yvon Thériault, «Peut-on trop aimer la démocratie?», [En ligne] http://www.youtube.com/watch?v=KCcMgB40lro (Page consultée le 17 novembre 2014).
(6) Joseph Yvon Thériault, «Le peuple de gauche, les carrés rouges et la crise des institutions», Argument, vol. XV, no 2 (printemps-été 2013), p. 14. Note de l'auteur: Une première version de ce texte a été présentée au séminaire du CIRCEM, Université d'Ottawa, 25 septembre 2012. Pierre Rosanvallon, La contre-démocratie. La politique à l'âge de la défiance (Paris, Seuil, 2006, 372 pages) est un important ouvrage de référence.
(7) Mathieu Bock-Côté, «Fragments d'une éducation conservatrice», Argument, vol. XIV, no 1, (automne 2011-hiver 2012), [En ligne] http://www.revueargument.ca/article/2011-10-01/559-fragments-dune-education-conservatrice.html (Page consultée le 12 novembre 2014).
(8) Ibid.
(9) Ibid.
(10) Ibid.
(11) Tel qu'il se décrit sur son site Internet personnel au www.bock-cote.net/ (Page consultée le 15 novembre 2014).
(12) Mathieu Bock-Côté, «Psychologie du grand homme politique...»... op.cit.
(13) Mathieu Bock-Côté, «La peopolisation de la monarchie», Blogue de Mathieu Bock-Côté, Le Journal de Montréal, 22 juillet 2013, [En ligne] http://blogues.journaldemontreal.com/bock-cote/2013/07/22 (Page consultée le 15 novembre 2014).
(14) Karine Paradis, «Karima Brikh en 13 Questions - Entrevue HollywoodPQ», HollywoodPQ, 17 janvier 2014. En ligne http://hollywoodpq.com/entrevues-13qs/karima-brikh-en-13-questions-entrevue-hollywoodpq/ (Page consultée le 15 novembre 2014).
(15) «Secrets d'histoire» est une émission de télévision diffusée sur France 2 et présentée par Stéphane Bern. Chaque numéro tente d'élucider un épisode mystérieux de l'histoire, et plus particulièrement, celle de France.
(16) Charles de Gaulle, Le fil de l'épée, [s.l.], Perrin, Présentation de Hervé Gaymard, Coll. «Les Mémorables», 2010 [1932], p. 66.
(17) Mathieu Bock-Côté, «La psychologie...», op. cit.
(18) Ibid.
(19) Guy Bourdé et Hervé Martin, Les écoles historiques, Nouv. éd., [s.l.], Seuil, 1997 [1983], Coll. «Points Histoire», no H67, p. 172-173, 175, 251 et 260. ISBN: 2-02-030022-2.
(20) Hélène Sabbah dir., Littérature: textes et méthode, Ville LaSalle, Hurtubise HMH, 1997, p. 296.
(21) Louis Cornellier, «Mathieu Bock-Côté, le conservateur républicain», Le Devoir, 9 novembre 2013.
(22) Mathieu Bock-Côté, «La psychologie...», op.cit.
(23) Ibid.
(24) Ibid.
(25) Max Weber, Wirtschaft und Gesellschaft, traduit par Hinnerk Bruhns, «Le charisme en politique: idée séduisante ou concept pertinent?», Les Cahiers du Centre de Recherches Historiques, En ligne, 24 [2000], mis en ligne le 15 août 2009, consulté le 6 octobre 2014, http://ccrh.revues.org/1882
(26) Hinnerk Bruhns, op. cit.
(27) «La phrase simple comprend un seul verbe: elle forme, dans le langage, l'assemblage le plus simple exprimant un sens complet: cet assemblage est appelé proposition.» Maurice Grevisse, Précis de grammaire française, 29e édition, Paris, Duculot, 1990, p. 29.
(28) Hinnerk Bruhns, op. cit.
(29) Antoine de Baecque, «De Gaulle, un possible dictateur», entrevue avec Robert Frank, Libération, 9 juillet 2014, [En ligne] http://www.liberation.fr/grand-angle/2014/07/09/de-gaulle-un-possible-dictateur_485954 (Page consultée le 30 novembre 2014) et François Kersaudy, «De Gaulle et Roosevelt», Espoir, no 136 (septembre 2003), [En ligne] http://www.charles-de-gaulle.org/pages/l-homme/dossiers-thematiques/1940-1944-la-seconde-guerre-mondiale/la-france-libre-et-les-allies/les-etats-unis/de-gaulle-et-roosevelt.php (Page consultée le 3 décembre 2014).
(30) Pascal Balmand, «Le renouveau de l'histoire politique», dans Guy Bourdé et Hervé Martin, op. cit., p. 365-366.
(31) Maurice Angers, Initiation pratique... op.cit.

Travail rendu à l'Université du Québec à Montréal (UQAM) dans le cadre du séminaire doctoral en sociologie intitulé «Théories du pouvoir et de la domination». Analyse parue le 19 décembre 2014 sur le site Internet de L'Aut'journal, mensuel progressiste et indépendantiste créé à Montréal en 1984.

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Suggestion de lecture

«Le Contr'un (1576*)»


Étienne de La Boétie, Discours de la servitude volontaire, [s.l.], Mille et une nuits, Traduction en français moderne et postface de Séverine Auffret, Coll. «La Petite Collection», no 76, 1995, 63 p. ISBN: 978-2-91023-394-5.

* Rédigé en 1546-1548 selon Montaigne, première publication en 1576.

jeudi 12 mars 2015

Arrêt sur image : Pascal Bérubé instrumentalise la mémoire de René Lévesque et le fleurdelisé

«Le congé Pascal», chronique 5

Il y a moins d'un an, Pascal Bérubé prétendait être le digne héritier de René Lévesque et ainsi conduire le Québec à l'indépendance.

Photo: Pierre Morel
Mise en scène: Pascal Bérubé
Source: Roger Boudreau, «Pascal Bérubé tenté par la chefferie du PQ»,
L'Avantage, 29 avril 2014.

Question: Le député-touriste de Matane-Matapédia (et La Mitis!) soutient-il la comparaison? En d'autres termes, fait-il partie de «la courte liste des libérateurs de peuple (Félix Leclerc)»? Comme dirait l'autre, «attendez que je me rappelle...(1)»

L'épreuve des faits: René Lévesque fit la nationalisation de l'électricité à l'âge de 40 ans. Pascal préfère, quant à lui, abreuver ses commettants de «calories vides». L'une de ses observations peu édifiantes est survenue mardi, après l'élection partielle dans Richelieu: «Il y a maintenant plus de députés du Parti Québécois avec le prénom de Sylvain que de députés de Québec Solidaire! (Twitter de Pascal Bérubé, 10 mars 2015)».

Conclusion: Je ne puis imaginer monsieur Lévesque gazouiller sur la Toile pareilles inepties à l'encontre de ses adversaires et au profit de sa cause.

Autobiographie de René Lévesque

(1) René Lévesque, Attendez que je me rappelle..., Nouv. éd. Préf. de Guy Laliberté, Présentation de Corinne Côté-Lévesque, Montréal, Québec Amérique, 2007, 589 p. ISBN: 978-2-7644-0593-2.

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Ainsi certaines gens, faisant les empressés,
S'introduisent dans les affaires:
Ils font partout les nécessaires,
Et, partout importuns, devraient être chassés.

Jean de La Fontaine, «Le Coche et la Mouche», 1678.

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Six pieds sur terre il y a trop de crétins
Qui nous assomment juste pour se faire la main
Et qui aspirent à devenir ministres
Oh! mon dieu, promets-moi que l'enfer existe!
Mon dieu, promets-moi que l'enfer existe!

Luc De Larochellière, «Six pieds sur terre», 1990.

mardi 10 mars 2015

Municipalité de Saint-Donat-de-Rimouski : l’avenir de mon village est en jeu

Le directeur général, secrétaire-trésorier et ventriloque Gil Bérubé répond par la bouche du maire Olivier Gillet aux contribuables de Saint-Donat-de-Rimouski se plaignant des taxes trop élevées. Je le cite: «Si c'est vrai, comment expliquer alors que les gens continuent à s'installer ici? (L'Avantage, 24 février 2015)» Toute personne raisonnable s'imagine les contribuables vieillissants, les entreprises rares et les familles confrontées à la disparition graduelle des services de proximité. Plusieurs aînés vivent seuls dans leur maison. Mais, on se trompe. Notre magicien possède sa propre lecture de la réalité.

 «Tout va très bien, Madame la Marquise/ Tout va très bien, tout va très bien/ 
Pourtant, il faut, il faut que je vous dise...»

Un peu de sérieux
Les recensements de Statistique Canada indiquent que Saint-Donat-de-Rimouski est passé de 892 à 890 habitants entre 2006 et 2011(1). Les données du ministère des Affaires municipales se situent présentement dans cette fourchette d'évaluation (891). Or, ces dénombrements ne tiennent aucunement compte de la situation préoccupante du village.

J'ai constaté en comparant les listes électorales de 1989 et de 2012 que si Saint-Donat a gagné 169 électeurs (30,7%), le village en a perdu 22 (-7,3%). Seul le secteur touristique du Mont-Comi s'est développé. Qu'en sera-t-il advenant la mise aux normes de l'alimentation en eau potable du réseau d'aqueduc dans le village? Impossible de le savoir, car le conseil municipal traîne le dossier depuis 15 ans. Tout ne va pas très bien, Madame la Marquise! Le pire est même à craindre avec le projet actuel selon le citoyen Claude Gagnon (L'Avantage, 24 février 2015).

Carte de Saint-Donat-de-Rimouski
Le village au centre et le secteur Mont-Comi en bas.
Les nouveaux quartiers sont en rouge. Les rangs et rues en croissance figurent en orange.
Quant aux zones en décroissance, elles apparaissent en bleu.
                                                                                                                                            

Répartition des électeurs/Années

1989

2012

Village

300

278

Secteur du Mont-Comi

24

140

Alentours du Mont-Comi

43

103

Autres rangs

183

198

Totaux

550

719




Le village décline avant même la réalisation de travaux coûteux. Choisi par le directeur général et secrétaire-trésorier à l'automne 2013, le maire vit dans le déni. Ce Gillet veut-il notre chemise? Causera-t-il notre perte? Toujours est-il qu'il ne peut feindre l'ignorance, puisque je l'ai dûment informé par courriel le 29 juin 2014. Voici presque un an qu'une copie de ma petite enquête, intitulée «Évolution spatiale de l'électorat donatien entre 1989 et 2012», se trouve sur le site Web de la municipalité!

Quant à Gil Bérubé, en poste depuis 1987, il est le grand responsable de l'état végétatif de la localité. Manitou et homme de l'ombre(2), il n'a pas invité les médias à l'assemblée publique du 6 novembre sur l'eau potable. Nos journalistes ont découvert l'ampleur de la problématique en février. C'est tout dire!

Article paru sur le site Web du journal L'Avantage de Rimouski le 10 mars 2015.

Notes

(1) Le plus récent recensement canadien, effectué en mai 2016, dévoile que la population donatienne a fléchi de 1,6% depuis 2011. Nous savons que le recul enregistré est encore plus marqué au village.
(2) Sachez qu'aucune photo de Gil Bérubé n'existe à ce jour sur la Toile. Or, le fonctionnaire inamovible était déjà en poste quatre ans avant l'effondrement de l'Union soviétique survenu en 1991!


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«Silence, on ferme!»

Après le bar-salon, l'église, le curé résident, le garage Normen Lévesque, les postes d'essence, la quincaillerie, la cantine, le dépanneur et l'épicerie, voici qu'a été fermé, il y a deux semaines, après environ 80 ans d'existence, le centre de service de la Caisse Desjardins à Saint-Donat. Le nombre de maisons à vendre au village a bondi ces dernières semaines.

Est-ce seulement une question d'argent? Non! Il flotte à l'école Lévesque depuis cet été un drapeau fleurdelisé déchiré et décoloré sans que personne ne songe à le remplacer. Fierté québécoise à l'image de notre maire... Pour lui, voyez-vous, la fermeture de l'épicerie depuis six mois ne fait pas de la municipalité un désert alimentaire, puisque le désert commence à 16 kilomètres et le centre du village est à 15 sur la carte du service incendie. Grosse différence!

Extrait d'un article paru sur le site Web du journal L'Avantage de Rimouski le 10 novembre 2015.

Je vous présente la pauvre moitié décolorée du drapeau fleurdelisé que nos jeunes eurent sous les yeux toute l'année 2015-2016.


Photos: Caroline Sarah St-Laurent, printemps 2016.


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Zone sinistrée




Ouais, mais là là!

On n'a pas besoin de ça, nous autres.


GIL BÉRUBÉ


La ferme Bé-Donat baisse pavillon(1). L'accès est interdit à notre église pour des raisons de sécurité. L'épicerie cesse toute activité en mai 2015. L'ancienne cabane de la patinoire a été démolie, tandis que la nouvelle est une «arme de distraction massive». L'alimentation en eau potable est compromise. Le personnel de la caisse fut évacué et relocalisé à Luceville pendant que tout l'argent était extrait des coffres par des employés de Garda. Les rues sont pratiquement désertes. Des chats errants se reproduisent(2). Ambiance crépusculaire! Le drapeau fleurdelisé flotte en lambeau devant l'école. Les propriétaires du café ont mis leur maison en vente. «Le dernier rempart est tombé», à en croire Claude Santerre du Comité de la Coopérative(3). On vit sous état d'urgence: désert alimentaire et explosion des taxes municipales. Notre directeur général et secrétaire-trésorier, l'inepte Gil Bérubé, a assisté à la dilapidation de notre héritage culturel. Il organise maintenant sa retraite. Le danger est partout apparemment, car je connais une enseignante résidant à 300 mètres de l'école qui n'ose se déplacer qu'en auto... Tout cela sans attentat comme à Paris, mais avec un «maudit Français» comme maire. Au moment d'écrire ces lignes, un conseiller, tel Louis XVI, est parti à la chasse! 

- Est-ce une révolte?

- Non, Sire, c'est une révolution!

Les réfugiés syriens assureront le «grand remplacement». Bref, je laisse le mot de la fin à l'inimitable Nancy Michaud: «Silence, notre image!».

Notes
(1) La une du Courrier du Fleuve de Rimouski le 4 novembre 2015 était consacrée à la future ex-ferme Bé-Donat du 113 rue de la Neigette, au centre du village.

Les déboires de Saint-Donat-de-Rimouski ont fait la une d'un média régional cet automne.

(2) La prolifération féline sévit encore à Saint-Donat un an plus tard. Loin de s'attaquer au problème, la municipalité contribue à l'aggraver. On peut lire sur la page Facebook de nos irresponsables municipaux en date du 29 novembre 2016: «Deux chatons [âgés d'environ six mois] à donner»! Un citoyen, Sébastien Dufour, fait savoir publiquement: «Il en a aussi une quinzaine à ramasser sur la rue Desgagnés...»

Source: amisdelanature.hautetfort.com 

(3) Je le cite textuellement quelques semaines avant la fermeture de l'épicerie: «Avec la disparition successive des autres services de proximité (poste d'essence, quincaillerie, dépanneur, garages, etc.), l'épicerie est certainement un des derniers remparts avant que certains se décident à quitter la municipalité pour se rapprocher des services ou que d'autres hésitent à s'installer dans notre village.(Source: Site Web de la municipalité, nous soulignons)»

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Un champ de ruines

Une journaliste à la radio et télévision d'État rend compte du «champ de ruines» qu'est devenu Saint-Donat-de-Rimouski au printemps 2017. Une résidente, Jacqueline Rodrigue, lui dit: «C'est comme si ça rapetissait Saint-Donat. On aurait toujours besoin de quelque chose qui mettrait un peu de la vie, parce que là, il commence à ne plus avoir grand chose à Saint-Donat».

Édith Drouin, «Saint-Donat-de-Rimouski n'a plus d'épicerie», ICIRadio-Canada.ca, 27 avril 2017.

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Un brin d'optimisme...

On peut lire dans le Dictionnaire des idées reçues de Gustave Flaubert l'entrée suivante:

«Ruines: Font rêver et donnent de la poésie à un paysage.»


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